Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6134 AN du 22 juin 2023

      Le Conseil constitutionnel a été saisi par l’autorité administrative compétente à propos de la situation d’une candidate aux élections législatives. L’intéressée avait sollicité les suffrages des électeurs d’une circonscription ultra-marine avant de voir son compte de campagne rejeté par l’instance administrative de contrôle.

      L’autorité de régulation a relevé l’absence de six factures de location de véhicule ainsi que le défaut de production de tout relevé bancaire utile. L’instance administrative a également souligné que le compte n’avait pas été présenté par un expert-comptable malgré un score supérieur à cinq pour cent.

      Le juge de l’élection devait rechercher si le cumul de ces irrégularités constituait un manquement d’une particulière gravité justifiant une sanction d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel confirme le rejet du compte et prononce une interdiction de se présenter aux suffrages pour une durée de trois années.

I. La caractérisation de manquements cumulatifs aux obligations comptables électorales

A. L’omission de dépenses et l’altération de l’équilibre financier

      Le code électoral impose que le document comptable « retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ». En l’espèce, des factures de location de véhicule n’ont pas été inscrites, ce qui a provoqué un déficit apparent du compte de campagne de l’intéressée. Le juge souligne que « la preuve de leur paiement effectif n’a de surcroît pas été apportée à la date limite de dépôt des comptes de campagne ».

      Cette méconnaissance des règles fondamentales de transparence financière empêche le contrôle effectif de la sincérité des ressources utilisées par la candidate lors du scrutin. L’omission de pièces comptables s’accompagne d’une violation des règles de forme relatives à la présentation du compte par un professionnel habilité par la loi.

B. Le défaut de recours obligatoire à une expertise comptable certifiée

      L’article L. 52-12 prévoit que le compte « doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables » pour les candidats les plus importants. La candidate ayant franchi le seuil des cinq pour cent des suffrages exprimés, elle ne pouvait légalement s’exonérer de cette formalité protectrice de l’ordre public. Cette obligation permet de mettre le compte en état d’examen et assure la présence systématique des pièces justificatives requises devant la commission nationale.

      Le manquement à cette règle de forme constitue, par lui-même, une irrégularité substantielle que le juge constitutionnel ne manque jamais de relever avec sévérité. La matérialité des manquements étant établie, le Conseil constitutionnel examine ensuite les justifications apportées par la candidate pour apprécier la nécessité d’une sanction.

II. La rigueur de la sanction face à l’insuffisance des justifications produites

A. L’inefficacité des arguments relatifs aux défaillances des tiers

      Pour sa défense, la candidate invoquait des difficultés imputables à son mandataire financier ainsi qu’au délégué départemental de sa formation politique d’appartenance. Le juge écarte ces arguments en précisant que les factures auraient dû figurer au compte au titre des « concours en nature des partis politiques ». L’inéligibilité peut être prononcée en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales » selon le code électoral.

      La responsabilité du candidat demeure personnelle et celui-ci doit s’assurer que ses services respectent scrupuleusement le calendrier impératif du dépôt légal. L’absence de circonstances atténuantes conduit alors le juge à tirer les conséquences juridiques de cette accumulation de négligences dans la gestion du compte.

B. La proportionnalité de l’inéligibilité comme mesure de protection du scrutin

      Le Conseil constitutionnel estime qu’aucune circonstance particulière ne justifiait « la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 » du code précité. La décision insiste sur la « particulière gravité de ces manquements et de leur cumul » pour motiver la sanction maximale appliquée à l’espèce étudiée. En déclarant la candidate inéligible pour trois ans, le juge sanctionne une négligence manifeste qui nuit à l’égalité entre les différents compétiteurs de l’élection.

      Cette fermeté jurisprudentielle assure le respect effectif du plafonnement des dépenses électorales et la moralisation nécessaire de la vie politique française contemporaine. Cette décision de justice électorale a été rendue publique par le secrétariat du Conseil constitutionnel le 22 juin 2023.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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