Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6135 AN du 26 mai 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 25 mai 2023, examine la régularité du financement d’un candidat aux élections législatives de juin 2022. La Commission nationale des comptes de campagne a rejeté le compte car le mandataire financier n’avait pas ouvert de compte bancaire unique. Saisi par cet organisme, le juge constitutionnel doit statuer sur la situation électorale de l’intéressé suite à ce manquement constaté lors de l’instruction.

Le candidat soutient que des frais bancaires prohibitifs l’ont empêché de se conformer à l’obligation légale de dépôt des fonds sur un compte dédié. La question est de savoir si l’absence de compte bancaire spécifique constitue un manquement justifiant l’inéligibilité malgré les contraintes financières invoquées par la défense. Le Conseil constitutionnel valide le rejet du compte et prononce une inéligibilité d’un an en raison de la gravité de l’omission comptable. Cette décision met en lumière l’impératif de transparence financière tout en soulignant la rigueur du contrôle exercé sur les mandataires des candidats. L’analyse portera d’abord sur l’obligation du compte bancaire unique avant d’aborder la qualification juridique de la sanction de l’inéligibilité retenue par le juge.

I. L’impératif de transparence par l’ouverture d’un compte bancaire dédié

A. Le caractère substantiel de l’obligation de traçabilité financière

Le droit électoral impose une discipline stricte aux candidats afin de garantir la sincérité du scrutin par un contrôle rigoureux des dépenses engagées. L’article L. 52-6 du code électoral dispose que « le mandataire financier est tenu d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations ». Ce mécanisme assure une séparation parfaite entre le patrimoine personnel du candidat et les ressources dédiées exclusivement à sa campagne électorale sous contrôle. Le respect de cette formalité constitue le socle indispensable permettant à la commission de vérifier la licéité des recettes et l’équilibre budgétaire du compte. L’absence de ce compte spécifique prive l’administration de tout moyen efficace pour authentifier l’origine des fonds et la réalité des paiements effectués. Cette exigence de transparence interdit toute dérogation, même partielle, à l’organisation financière définie par le législateur pour l’ensemble des compétiteurs politiques nationaux.

B. La validation juridictionnelle du rejet pour méconnaissance des règles formelles

La méconnaissance de l’obligation de compte unique entraîne des conséquences immédiates sur la validité de la présentation comptable soumise à l’examen de la commission. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel affirme que « le mandataire financier qu’il avait désigné n’a pas ouvert de compte bancaire, en violation des dispositions législatives ». La constatation matérielle de cette carence suffit à fonder le rejet du compte par l’autorité administrative sans qu’un doute sérieux ne soit permis. Le juge précise que « c’est à bon droit » que la commission a écarté le document comptable présenté par le candidat lors de cette instance. Cette irrégularité formelle est jugée insurmontable car elle altère fondamentalement la structure de contrôle prévue par les textes en faveur de la clarté. La rigueur de cette solution témoigne de la volonté du juge de ne tolérer aucun écart dans la gestion des fonds de la campagne.

Le caractère impératif de cette règle comptable conduit logiquement le juge à évaluer les arguments de défense du candidat pour mesurer la sanction nécessaire.

II. L’appréciation de la gravité du manquement et la rigueur de la sanction

A. L’indifférence du juge face aux justifications économiques du candidat

Le candidat tentait de justifier son omission en invoquant des obstacles financiers extérieurs liés aux exigences tarifaires de l’établissement bancaire sollicité durant l’été. Le Conseil constitutionnel écarte fermement cet argument en jugeant que « cette circonstance n’est pas de nature à faire obstacle à l’application des dispositions légales ». Les difficultés pratiques ou les coûts de gestion ne sauraient exonérer un prétendant au mandat législatif de ses obligations de transparence les plus élémentaires. Le juge refuse ainsi de créer une exception fondée sur les capacités financières du candidat ou sur les pratiques commerciales des établissements de crédit. Cette position ferme renforce l’égalité entre les candidats devant la règle de droit en interdisant toute interprétation souple des contraintes légales de financement. La nécessité d’un compte bancaire unique demeure absolue quelles que soient les difficultés matérielles rencontrées par les équipes de campagne durant la période.

B. La portée de l’inéligibilité comme garantie de la probité électorale

L’absence de compte bancaire n’est pas traitée comme une simple négligence administrative mais reçoit la qualification de manquement d’une particulière gravité par le juge. Selon l’article L.O. 136-1 du code électoral, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte a été rejeté à bon droit. La juridiction estime qu’il y a lieu de prononcer l’inéligibilité « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement » constaté durant l’examen souverain. La sanction d’un an d’interdiction de se présenter aux suffrages apparaît proportionnée à l’atteinte portée aux principes fondamentaux de la probité publique actuelle. Cette décision confirme une jurisprudence constante qui voit dans le défaut de compte bancaire une violation majeure rendant impossible tout contrôle réel de sincérité. Le candidat se voit ainsi écarté de la vie électorale pour une période déterminée afin de préserver l’intégrité future des processus de désignation.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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