Le Conseil constitutionnel a rendu, le 11 mai 2023, une décision relative au financement des élections législatives de juin 2022. Un candidat n’ayant pas atteint le seuil de 1 % des voix a omis de déposer son compte de campagne. Cette omission a conduit la commission nationale à saisir le juge électoral en février 2023 pour constater l’irrégularité. Le litige porte sur l’obligation de dépôt malgré un score faible dès lors que des reçus de dons n’ont pas été restitués. Le juge doit déterminer si la non-restitution des carnets administratifs suffit à rendre le dépôt du compte de campagne obligatoire. Le Conseil constitutionnel affirme que cette situation fait présumer la perception de dons de personnes physiques imposant ainsi la formalité comptable. Il prononce une inéligibilité de trois ans en raison de la particulière gravité du manquement constaté lors de l’instruction. L’analyse portera d’abord sur la présomption de financement puis sur la sévérité de la sanction retenue par le juge.
I. La caractérisation d’une obligation de dépôt par présomption
A. Le cadre légal du contrôle du financement électoral L’article L. 52-12 du code électoral impose d’établir un compte retraçant « l’ensemble des recettes perçues et l’ensemble des dépenses engagées ». Cette formalité s’applique aux candidats ayant obtenu 1 % des suffrages ou ayant bénéficié de dons de personnes physiques. Le document doit être déposé avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin auprès de l’autorité de contrôle. Chaque candidat doit s’assurer de l’équilibre financier de son compte qui ne peut présenter aucun déficit au moment du dépôt. Cette règle garantit la transparence de la vie publique et permet de vérifier le respect des plafonds de dépenses autorisés. Le juge veille scrupuleusement au respect de ce calendrier pour assurer l’égalité entre tous les compétiteurs du scrutin.
B. La force probante de la détention des carnets de reçus Le Conseil constitutionnel énonce que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons ». Cette présomption simple peut être combattue par tous moyens si l’intéressé apporte la preuve contraire de l’absence de financement. En l’espèce, le candidat n’a produit « aucun justificatif de nature à la renverser » au cours de la procédure contentieuse. La possession des documents officiels délivrés en préfecture suffit à caractériser une collecte potentielle de fonds privés par le mandataire. L’obligation de déposer un compte de campagne devient alors impérative indépendamment du nombre de suffrages recueillis par le candidat. Le juge électoral refuse de dispenser de cette formalité celui qui conserve des moyens de financement sans en justifier l’usage.
II. La répression d’une méconnaissance substantielle de la loi
A. L’appréciation souveraine d’un manquement d’une particulière gravité L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté les conditions de dépôt prescrites par le code électoral. Le juge constitutionnel relève ici un « manquement d’une particulière gravité » justifiant une sanction immédiate à l’encontre de l’intéressé. Aucune circonstance particulière ne permettait d’excuser la méconnaissance des obligations comptables pesant sur chaque participant à l’élection nationale. Le silence du candidat durant l’instruction confirme l’absence de volonté de régulariser sa situation financière vis-à-vis de l’administration. Cette qualification juridique souligne l’importance accordée à la probité dans l’exercice des mandats représentatifs par le juge de l’élection. La méconnaissance flagrante d’une règle de fond constitue une atteinte à l’ordre public électoral que le juge doit réprimer.
B. L’application d’une inéligibilité triennale sanctionnatrice Le Conseil constitutionnel déclare l’intéressé inéligible à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de sa décision. Cette sanction prive le citoyen du droit de se porter candidat à toutes les élections organisées sur le territoire national. La durée retenue manifeste la sévérité du juge face à une négligence qui empêche tout contrôle effectif du financement de la campagne. La décision ordonne la notification de cette mesure aux autorités compétentes ainsi que sa publication intégrale au Journal officiel. Ce dispositif assure l’effectivité de la sanction et informe les électeurs de l’incapacité juridique frappant l’ancien candidat. Le juge constitutionnel rappelle ainsi que la conquête des suffrages exige une rigueur administrative absolue sous peine d’éviction de la vie politique.