Par sa décision n° 2023-6141 AN du 9 juin 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la régularité du financement d’une campagne électorale législative. Un candidat aux élections des 12 et 19 juin 2022 dans la cinquième circonscription des Bouches-du-Rhône n’a pas respecté les prescriptions comptables. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte par une décision rendue le 23 janvier 2023. Le juge constitutionnel a ensuite été saisi le 9 février 2023 afin de statuer sur l’éventuelle inéligibilité du candidat fautif. Il était reproché à l’intéressé l’absence de présentation du compte par un expert-comptable ainsi que l’existence d’un solde financier déficitaire. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si ces manquements aux règles de forme et de fond justifiaient une déclaration d’inéligibilité pour l’avenir. Les magistrats confirment le rejet du compte de campagne et prononcent une inéligibilité pour une durée de trois années à compter de la décision. La solution repose sur une interprétation stricte des obligations comptables avant de tirer les conséquences de leur violation sur la capacité électorale.
**I. La rigueur des obligations de présentation des comptes de campagne**
**A. Le caractère impératif de l’intervention d’un expert-comptable**
L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats ayant obtenu des dons ou un score significatif d’établir un compte de campagne rigoureux. Cette pièce comptable doit obligatoirement être présentée par un membre de l’ordre des experts-comptables pour certifier la sincérité des écritures. Le juge souligne que « ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen ». Cette formalité substantielle garantit la transparence du financement de la vie politique tout en prévenant les risques de fraudes ou d’erreurs manifestes. L’absence d’intervention d’un professionnel qualifié prive l’administration de la certification nécessaire à la validation définitive des flux financiers engagés durant la période. Le respect de ce formalisme constitue une condition de recevabilité indispensable avant tout examen au fond des opérations comptables.
**B. Le constat de défaillances formelles et comptables majeures**
Les magistrats ont relevé que le candidat n’avait produit aucun formulaire de compte en bonne et due forme lors du dépôt de son dossier. Les éléments financiers fournis laissaient apparaître un montant de dépenses supérieur au seuil de quatre mille euros autorisant la dispense de présentation comptable. Le Conseil constitutionnel note avec précision que « le compte du candidat a été rejeté au motif qu’il n’a pas été présenté par un membre de l’ordre ». Le dossier présentait également un solde déficitaire de cent soixante-dix-huit euros, ce qui contrevient frontalement au principe d’équilibre prescrit par le droit. Ces carences matérielles cumulées rendaient impossible la vérification effective de la régularité des opérations de financement de cette campagne électorale spécifique. Cette méconnaissance des impératifs de forme justifie alors l’application d’une sanction rigoureuse visant à garantir l’intégrité de la vie politique.
**II. La sanction d’une atteinte grave à la transparence électorale**
**A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité**
Le juge constitutionnel dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour qualifier la gravité des infractions aux règles de financement des campagnes électorales nationales. L’absence manifeste de diligence pour se conformer aux prescriptions légales témoigne d’une méconnaissance coupable des obligations élémentaires incombant à tout prétendant au suffrage. Le juge affirme qu’il « ne résulte pas de l’instruction que le candidat ait pris les dispositions nécessaires pour que son compte soit présenté » régulièrement. La particulière gravité est caractérisée par le cumul de l’absence de certification professionnelle, du défaut de formulaire type et du solde négatif. Cette qualification juridique permet d’écarter la simple erreur matérielle pour retenir une faute faisant obstacle à la mission de contrôle financier. La sévérité de cette appréciation conduit naturellement au prononcé d’une mesure d’inéligibilité destinée à sanctionner le comportement du candidat.
**B. La portée de l’inéligibilité triennale sur le droit électoral**
L’article L.O. 136-1 du code électoral permet de déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté les conditions légales de dépôt de son compte financier. La décision fixe une durée d’inéligibilité de trois ans, ce qui correspond à la sévérité nécessaire face à une absence totale de certification. Cette sanction protège l’égalité des chances entre les compétiteurs tout en assurant l’intégrité du processus démocratique lors des scrutins législatifs nationaux. La jurisprudence réaffirme ainsi que le non-respect des règles de transparence financière écarte durablement le citoyen du droit de solliciter à nouveau les suffrages. La portée de cette solution confirme l’aspect strictement impératif des formalités comptables pour tous les candidats engagés dans une compétition politique. Les principes de probité et de sincérité financière demeurent les piliers indispensables de la validité d’une élection au suffrage universel.