Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6153 AN du 26 mai 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 25 mai 2023, une décision importante relative au contrôle des comptes de campagne lors des élections législatives. Cette affaire concerne un candidat ayant participé aux scrutins des 11 et 18 juin 2022 dans une circonscription ultramarine. Ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés, l’intéressé était légalement tenu de déposer un compte de campagne. Or, à l’expiration du délai légal fixé par le code électoral, aucun document comptable n’a été transmis à l’autorité administrative. Saisie par l’organe de régulation financière, la juridiction constitutionnelle doit désormais statuer sur les conséquences juridiques de cette omission. Le problème juridique réside dans la détermination de la sanction applicable à un candidat négligeant ses obligations déclaratives sans motif légitime. Le Conseil juge que l’absence de dépôt caractérise un manquement d’une particulière gravité justifiant une inéligibilité de trois ans. Cette analyse portera d’abord sur la rigueur de l’obligation comptable avant d’étudier la sévérité de la sanction prononcée.

I. L’exigence de transparence financière dans le cadre électoral

A. L’obligation de dépôt du compte de campagne

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat d’établir un compte de campagne s’il franchit un seuil de voix. Le juge rappelle que ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ». Cette formalité garantit la transparence démocratique en permettant une vérification précise du plafonnement des dépenses électorales par l’administration. Le dépôt doit intervenir impérativement « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin ».

B. Le constat d’une omission injustifiée

Dans cette espèce, le candidat a obtenu un score suffisant mais n’a produit aucune pièce comptable malgré ses obligations légales. La décision souligne qu’il « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu » par la loi organique. L’instruction n’a révélé aucune circonstance particulière de nature à justifier ou atténuer la méconnaissance des règles de financement. Cette carence empêche l’autorité administrative de s’assurer de l’origine licite des fonds utilisés durant la période électorale.

II. La sanction de l’inéligibilité face à un manquement grave

A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». Le Conseil constitutionnel considère que l’omission pure et simple de dépôt du compte constitue une violation majeure des principes électifs. Les juges affirment qu’il y a lieu de sanctionner cette méconnaissance « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement ». La sévérité de la juridiction protège l’intégrité du scrutin contre toute opacité financière pouvant fausser le jeu démocratique.

B. La portée de la sanction d’inéligibilité

La décision prononce l’inéligibilité du candidat « à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision ». Cette mesure possède une portée significative car elle écarte l’intéressé de la vie politique pour une période prolongée. La jurisprudence confirme ainsi sa volonté de ne tolérer aucune dérogation aux principes de publicité sans justification impérieuse. Cette solution rigoureuse assure l’effectivité des règles comptables tout en dissuadant les futurs candidats de toute négligence déclarative.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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