Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6155 AN du 26 mai 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 25 mai 2023 relative au contentieux du financement des élections législatives organisées les 12 et 19 juin 2022. Un candidat n’avait pas déposé son compte de campagne dans le délai légal alors qu’il détenait des carnets de reçus-dons délivrés par les services préfectoraux. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel le 13 février 2023 pour constater ce manquement. Le requérant soutenait que le défaut de restitution des souches de reçus obligeait le candidat à établir un compte de campagne certifié malgré son faible score. Le litige soulève la question de la force probante de la détention de documents comptables et de la gravité de leur restitution tardive devant le juge constitutionnel. La juridiction rejette la demande d’inéligibilité en considérant que la preuve de l’absence de dons a été apportée avant le jugement définitif de l’affaire. L’analyse de cette solution impose d’étudier la portée de la présomption de perception de dons avant d’apprécier la caractérisation de la gravité du manquement ici retenue.

I. La portée probatoire de la détention de carnets de reçus-dons

A. L’établissement d’une présomption de perception de dons

L’article L. 52-12 du code électoral impose le dépôt d’un compte de campagne pour tout candidat ayant bénéficié de dons financiers de la part de personnes physiques. Le juge précise que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Cette règle assure un contrôle efficace des ressources engagées pour éviter que des financements occultes ne viennent fausser la sincérité du scrutin électoral national.

B. Le caractère réfragable de la preuve du financement

L’existence de cette présomption ne saurait toutefois interdire au candidat d’apporter la preuve contraire des flux financiers réellement enregistrés durant sa propre campagne électorale. Le Conseil constitutionnel affirme que « cette présomption peut être combattue par tous moyens » afin de respecter le principe du contradictoire et la réalité des faits. La transmission des carnets vierges à la commission administrative permet de démontrer que le candidat n’a finalement perçu aucune somme d’argent de la part de donateurs.

II. L’appréciation de la gravité du manquement aux obligations comptables

A. L’absence de volonté de fraude caractérisée

La levée de l’obligation de dépôt permet alors d’interroger la nécessité de sanctionner l’omission administrative commise par le candidat lors de la période légale de dépôt. L’article L.O. 136-1 du code électoral limite l’inéligibilité aux cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement. Le juge estime que le manquement n’est pas constitué dès lors que la situation comptable a été clarifiée par la production ultérieure des pièces justificatives manquantes.

B. La tempérance du contrôle du juge constitutionnel

Cette position illustre la volonté du juge constitutionnel de ne pas prononcer de sanctions disproportionnées face à des négligences purement formelles dépourvues d’une incidence électorale réelle. La solution protège le droit fondamental de se porter candidat en écartant l’inéligibilité quand l’absence de fraude est matériellement établie par le dossier d’instruction. Le respect des règles de financement demeure essentiel mais son application par le juge s’adapte à la bonne foi démontrée par les acteurs du processus démocratique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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