Le Conseil constitutionnel a rendu, le 25 mai 2023, une décision relative au contentieux électoral des élections législatives tenues en juin 2022. Cette décision n° 2023-6157 AN traite du non-respect des obligations de financement des campagnes électorales par une candidate ayant obtenu plus de un pour cent des suffrages. L’intéressée n’a pas déposé son compte de campagne auprès de la commission compétente dans le délai légal imparti par le code électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel afin de statuer sur cette omission déclarative. Le litige repose sur l’interprétation de l’article L.O. 136-1 permettant de déclarer inéligible un candidat en cas de manquement d’une particulière gravité. Le Conseil constitutionnel doit déterminer si l’absence totale de dépôt d’un compte de campagne justifie le prononcé d’une mesure d’inéligibilité. Il juge que le défaut de dépôt, sans circonstance justificative, constitue un manquement grave entraînant une inéligibilité de trois ans. La caractérisation du manquement aux obligations financières précède l’analyse de la rigueur de la sanction prononcée par la haute juridiction.
I. La caractérisation d’un manquement aux obligations de financement électoral
A. L’obligation impérative de dépôt du compte de campagne
L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages d’établir un compte de campagne rigoureux. Ce document doit être déposé à la commission nationale avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin sous peine de sanction. La loi prévoit que le compte retrace l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées en vue de l’élection législative considérée. L’intéressée se trouvait dans cette situation juridique car elle avait franchi le seuil des suffrages exprimés lors du scrutin du premier tour. Le Conseil rappelle que « ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne » dans les délais prescrits. Le respect de ces formalités garantit la transparence du financement de la vie politique ainsi que l’égalité entre les différents candidats.
B. L’absence de justification face au défaut de dépôt
Le juge constitutionnel constate que la candidate n’a produit aucune observation pour expliquer l’absence de dépôt de son compte de campagne obligatoire. L’instruction n’a pas permis de révéler des « circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 ». Cette absence de défense ou de motif légitime place l’intéressée dans une situation de manquement flagrant à ses obligations légales de candidate. Le Conseil souligne ainsi que l’obligation de dépôt s’impose de manière stricte dès lors que les conditions de seuil sont pleinement remplies. La carence totale de la candidate démontre une négligence manifeste qui ne saurait être ignorée par le juge électoral dans sa mission de contrôle.
II. La rigueur de la sanction constitutionnelle
A. La qualification de manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 du code électoral autorise le juge à prononcer l’inéligibilité en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Le Conseil constitutionnel estime que l’absence de dépôt du compte de campagne constitue par nature une violation substantielle des règles de la démocratie. Il affirme qu’il « y a lieu de prononcer l’inéligibilité » en raison de la nature même de l’omission constatée lors de l’instruction. Cette qualification juridique permet de distinguer les simples erreurs matérielles des absences totales de transparence financière durant les opérations électorales nationales. La jurisprudence confirme ici sa sévérité envers les candidats qui ignorent les dispositifs de contrôle mis en place par le législateur organique.
B. Une inéligibilité proportionnée aux nécessités de la transparence
Le juge fixe la durée de l’inéligibilité à trois ans à compter de la publication de la décision au Journal officiel de la République. Cette durée correspond à la gravité du manquement constaté et assure l’effectivité de la règle de droit en matière de financement électoral. Le Conseil constitutionnel veille à ce que la sanction empêche le candidat de se présenter à de nouveaux mandats durant cette période déterminée. La portée de cette décision renforce l’autorité de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa mission préfectorale. Cette mesure de police électorale garantit finalement que seuls les candidats respectueux des règles financières puissent solliciter les suffrages des citoyens.