Le Conseil constitutionnel a rendu, le 7 juillet 2023, une décision relative au contentieux de l’élection des députés suite à une saisine d’une autorité administrative. Cette affaire concerne une candidate ayant obtenu moins de 1 % des suffrages mais tenue de déposer un compte de campagne pour avoir perçu des dons. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a considéré que les documents déposés initialement ne constituaient pas un compte de campagne régulier. Elle a alors constaté que le dépôt effectif du compte de campagne était intervenu après l’expiration du délai légal fixé au 19 août 2022. La candidate soutient pourtant avoir respecté les délais légaux en apportant simplement des rectifications ultérieures à un document déposé dans les temps par son mandataire. La haute juridiction doit déterminer si l’absence de transmission d’un document par l’administration interdit de conclure au manquement de l’intéressée à ses obligations de dépôt. Les juges constitutionnels décident qu’en l’absence de preuve matérielle du caractère irrégulier du dépôt initial, le manquement ne peut être tenu pour établi par le juge. L’analyse portera sur l’impossibilité technique d’établir l’irrégularité comptable avant d’examiner la protection de l’éligibilité de la candidate qui découle logiquement de cette insuffisance de preuve.
I. L’absence de preuve matérielle du manquement aux obligations de dépôt
A. L’incapacité à caractériser l’irrégularité du dépôt initial
Le Conseil rappelle que l’article L. 52-12 du code électoral impose le dépôt d’un compte retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées pour l’élection. La Commission nationale estimait que le document déposé le 19 août 2022 ne comportait que des pièces éparses et ne présentait pas la forme requise par la loi. Le Conseil constitutionnel constate néanmoins que « le document déposé le 19 août 2022 ne figurant pas au dossier transmis », le grief de dépôt tardif ne peut prospérer. L’absence physique de la pièce litigieuse empêche ainsi les juges de vérifier la matérialité de l’insuffisance reprochée par l’autorité de contrôle au cours de l’instruction. En l’espèce, la réalité du manquement ne peut être confirmée car le juge ne dispose pas des éléments nécessaires pour apprécier la nature du premier envoi.
B. La sanction de l’incomplétude du dossier administratif transmis au juge
Cette solution souligne l’obligation pour l’administration de transmettre l’intégralité des pièces sur lesquelles elle fonde ses décisions de saisine pour une éventuelle déclaration d’inéligibilité. Le juge électoral refuse de se fonder exclusivement sur les appréciations souveraines d’un organisme administratif sans pouvoir examiner lui-même les éléments de preuve au dossier. La sanction de l’inéligibilité étant particulièrement grave, elle nécessite une démonstration certaine du manquement qui fait ici défaut en raison d’une carence de transmission. La décision repose sur le principe fondamental selon lequel le doute doit nécessairement profiter à la personne dont l’éligibilité est contestée devant la juridiction compétente. L’insuffisance de l’instruction administrative prive ainsi de base légale la demande de sanction formulée par la Commission contre la candidate concernée par le scrutin.
II. La protection renforcée du droit à l’éligibilité du candidat
A. Le bénéfice du doute en faveur du maintien de l’éligibilité
En affirmant que « le manquement ne peut être tenu pour établi », le Conseil constitutionnel applique une forme de présomption de régularité du dépôt initialement effectué. Cette approche garantit que la candidate ne subit pas les conséquences d’une mauvaise gestion de son dossier par les services de la Commission nationale des comptes. La protection du droit constitutionnel de se porter candidat l’emporte sur la rigueur formelle lorsque la preuve certaine de la méconnaissance des règles est impossible. Le raisonnement des juges manifeste une volonté de ne pas prononcer d’inéligibilité automatique sur le seul fondement d’affirmations administratives non étayées par des pièces matérielles. Le Conseil constitutionnel privilégie ainsi la sauvegarde des droits de la défense et la liberté de candidature face aux incertitudes liées à la procédure de contrôle.
B. La portée du contrôle juridictionnel sur les constatations administratives
La portée de cet arrêt réside dans l’affirmation du rôle de juge de plein droit du Conseil constitutionnel face aux décisions de la Commission nationale des comptes. Le juge ne se contente pas de valider les conclusions administratives mais exige la production exhaustive des pièces pour exercer son propre contrôle de manière effective. Cette jurisprudence pourrait inciter l’administration à renforcer la traçabilité et la transmission des documents reçus des mandataires financiers lors des prochaines élections législatives nationales. Elle sécurise la situation des candidats confrontés à des difficultés de preuve concernant la nature exacte des documents déposés auprès des services de l’État. La décision confirme enfin que l’inéligibilité ne peut être prononcée qu’à la condition que le grief soit établi au-delà de tout doute raisonnable.