Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6169 AN du 9 juin 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 9 juin 2023, une décision essentielle relative au contrôle des finances des candidats aux élections législatives nationales. Un candidat ayant obtenu plus de un pour cent des suffrages n’a pas déposé son compte de campagne dans le délai légal imparti. L’autorité administrative de contrôle a saisi la juridiction électorale après avoir constaté un retard de deux mois dans l’accomplissement de cette formalité obligatoire. L’intéressé soutenait qu’il ignorait l’étendue de ses obligations comptables en raison du faible score qu’il avait réalisé lors du premier tour de scrutin. Le problème de droit consiste à savoir si une erreur d’interprétation des règles de financement peut justifier le dépôt tardif d’un compte de campagne. La juridiction affirme que cette circonstance est inopérante et sanctionne le manquement par une déclaration d’inéligibilité pour une durée de un an. L’étude de la rigueur du calendrier de dépôt précédera l’analyse de la portée de la sanction prononcée par la juridiction électorale.

I. L’impératif du respect des délais de dépôt du compte

A. La soumission stricte au calendrier électoral L’article L. 52-12 du code électoral prévoit que le candidat est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages ». Ce document doit être transmis à l’autorité administrative « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin ». Dans cette affaire, le délai expirait le 19 août 2022 alors que le dépôt effectif n’est intervenu que le 14 octobre suivant. La juridiction rappelle ainsi que le respect de cet échéancier constitue une obligation substantielle pour garantir la clarté financière de la compétition électorale. La fixation d’un terme précis permet d’assurer une vérification rapide et efficace des recettes perçues ainsi que des dépenses engagées par les prétendants.

B. L’inopposabilité de la bonne foi face au manquement Le candidat tentait de justifier sa carence en affirmant qu’il « pensait ne pas être tenu de déposer de compte » vu ses résultats électoraux. La juridiction écarte cet argument en précisant que cette erreur personnelle « n’est pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations » légales en vigueur. Le droit électoral ne reconnaît pas l’ignorance de la loi comme une excuse valable pour échapper aux règles de financement de la campagne nationale. Cette position rigoureuse évite que chaque candidat ne puisse moduler ses obligations en fonction de sa propre interprétation des textes législatifs et organiques. La protection de l’égalité entre les candidats exige une application uniforme et prévisible des règles de forme indispensables à la vie démocratique.

II. La rigueur de la sanction garante de la sincérité du scrutin

A. Une inéligibilité nécessaire à l’ordre public électoral En présence d’un manquement grave, l’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer le candidat inéligible pour une durée proportionnée au défaut constaté. La juridiction a choisi de prononcer une interdiction de se présenter à tout mandat pour une période de une année complète de calendrier civil. Cette décision découle de la volonté du législateur de punir sévèrement l’absence de dépôt ou le dépôt tardif des comptes de campagne électorale. La sanction assure que la sincérité du scrutin ne soit pas altérée par des pratiques financières opaques ou soustraites au contrôle de l’administration. Elle rétablit l’équilibre nécessaire entre la liberté de candidature et les impératifs de transparence indispensables au fonctionnement régulier de la démocratie représentative.

B. La portée pédagogique de la décision juridictionnelle La solution retenue confirme une jurisprudence établie selon laquelle les délais de dépôt présentent un caractère impératif qui ne souffre aucune dérogation injustifiée. En sanctionnant un candidat de bonne foi, la juridiction rappelle que la maîtrise des règles électorales incombe personnellement à celui qui sollicite le suffrage. Cette fermeté contribue à professionnaliser les campagnes électorales et incite les futurs candidats à s’entourer de conseils experts pour gérer leurs comptes. La publicité de la décision au Journal officiel renforce l’autorité du juge et assure une information parfaite des citoyens sur les comportements prohibés. La décision souligne enfin que la transparence financière constitue désormais une condition sine qua non de la légitimité politique dans l’ordre juridique français.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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