Le Conseil constitutionnel a rendu, le 9 juin 2023, une décision relative au contentieux électoral des élections législatives organisées les 11 et 18 juin 2022. Un candidat s’est présenté dans une circonscription ultra-marine afin de solliciter les suffrages des électeurs pour obtenir un siège de député à l’Assemblée nationale. L’organe chargé du contrôle des financements politiques a examiné le compte de campagne déposé par ce candidat après le premier tour de scrutin. Cette instance a décidé de rejeter le compte au motif que des dépenses n’avaient pas été déclarées par l’intéressé lors de l’exercice comptable. Elle a également relevé la perception d’un don émanant d’une personne morale, ce qui constitue une violation directe des interdictions posées par le code électoral. L’organe de contrôle a rejeté le compte le 25 janvier 2023 et a saisi le juge constitutionnel le 13 février suivant pour statuer sur l’inéligibilité. Le candidat n’a produit aucune observation suite à la communication de cette saisine, laissant ainsi les griefs de l’administration sans contradiction lors de l’instruction menée. Saisi par cet organe de contrôle, le juge constitutionnel doit apprécier la régularité de ce rejet et déterminer s’il convient de prononcer une mesure d’inéligibilité. Le Conseil confirme le rejet du compte et déclare l’inéligibilité du candidat pour une durée de trois ans en raison de la particulière gravité des faits. La validation du rejet du compte de campagne précède logiquement le prononcé d’une sanction d’inéligibilité proportionnée à la nature des manquements commis par l’élu.
I. La validation du rejet du compte de campagne pour méconnaissance des règles comptables
Le juge constitutionnel vérifie d’abord si les irrégularités relevées par l’organe de contrôle sont matériellement établies et si elles justifient légalement la décision de rejet initial.
A. L’omission de dépenses et la perception d’un financement interdit
Le code électoral impose aux candidats de retracer l’intégralité des recettes perçues et des dépenses engagées pour les besoins de leur campagne électorale respective. En l’espèce, le candidat a manqué à cette obligation puisque « un certain nombre de dépenses d’un montant de 5 250 euros n’ont pas été inscrites ». Cette omission comptable empêche la commission nationale de vérifier la réalité du plafonnement des dépenses et la sincérité globale du financement de la campagne électorale. De surcroît, les relevés bancaires ont révélé « un don émanant d’une personne morale d’un montant de 3 500 euros », en violation flagrante des dispositions législatives. L’interdiction des financements par des personnes morales vise à garantir l’indépendance des futurs élus et à prévenir toute influence indue des intérêts privés.
B. Le caractère justifié de la décision de rejet
Les irrégularités constatées par l’organe de contrôle sont jugées réelles par le Conseil constitutionnel qui estime que « ces circonstances sont établies » de manière certaine. Le non-respect des règles de financement entraîne systématiquement le rejet du compte dès lors que les manquements affectent la substance même de la transparence financière. La juridiction précise alors que « c’est à bon droit que [l’instance nationale] a rejeté son compte de campagne » au regard des preuves fournies. Cette confirmation juridique valide la procédure administrative et permet au juge d’examiner la question de la sanction personnelle du candidat fautif pour ses manquements. Le constat de ces irrégularités comptables majeures conduit naturellement le juge à s’interroger sur la nécessité d’écarter le candidat de la vie publique nationale.
II. Le prononcé d’une inéligibilité fondée sur la gravité substantielle des manquements
Le Conseil constitutionnel dispose du pouvoir de frapper un candidat d’inéligibilité s’il constate une volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité aux règles.
A. L’appréciation souveraine de la gravité des irrégularités constatées
Le juge ne se contente pas d’un simple rejet comptable pour sanctionner l’élu, mais il examine soigneusement le comportement et la portée des obligations méconnues. La décision souligne ici l’importance du « cumul d’irrégularités » qui témoigne d’une négligence manifeste ou d’une volonté délibérée de s’affranchir des contraintes légales de financement. Le candidat ne pouvait ignorer les règles applicables puisque le caractère substantiel des obligations méconnues était évident pour tout citoyen se soumettant au suffrage universel. Le Conseil affirme ainsi qu’il s’agit de manquements dont l’intéressé « ne pouvait ignorer la portée », ce qui justifie l’application rigoureuse des sanctions prévues. Cette analyse subjective de la responsabilité du candidat permet de distinguer les simples erreurs matérielles des fautes graves méritant une mise à l’écart politique durable.
B. La durée de la sanction d’inéligibilité prononcée par le juge
En application des dispositions du code électoral, le Conseil décide de fixer une durée d’inéligibilité proportionnée à la nature des fautes commises par le requérant. La juridiction déclare le candidat inéligible « à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision », marquant ainsi une sévérité notable. Cette sanction interdit à l’intéressé de se présenter à toute élection pendant cette période, garantissant ainsi le respect de l’éthique démocratique et la sincérité électorale. La décision sera notifiée aux autorités compétentes et publiée officiellement afin que l’interdiction de paraître sur les listes électorales soit pleinement opposable aux tiers intéressés. Le juge constitutionnel réaffirme par cette solution sa mission de gardien de la probité des élus et de la transparence du financement de la vie publique.