Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6176 AN du 9 juin 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 9 juin 2023, une décision relative au contrôle du financement des campagnes électorales lors des élections législatives. Un candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés n’a pas déposé son compte de campagne dans le délai légal imparti. L’autorité administrative chargée du contrôle des comptes a saisi le juge constitutionnel afin de statuer sur cette omission déclarative majeure. L’intéressé soutient qu’il n’a pu satisfaire à cette obligation en raison de difficultés rencontrées pour ouvrir un compte dans un établissement bancaire. La question posée au juge est de savoir si l’absence de dépôt du compte constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une inéligibilité. Le Conseil constitutionnel juge que cette circonstance ne saurait justifier l’absence de dépôt et prononce une inéligibilité de trois ans. L’étude de cette décision permet d’analyser la rigueur des obligations comptables des candidats avant d’examiner la sévérité de la sanction judiciaire prononcée.

I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations de transparence électorale

A. L’impératif du dépôt du compte de campagne dans les délais légaux

Le code électoral impose aux candidats ayant atteint un certain seuil de suffrages de retracer l’intégralité des recettes et des dépenses engagées. Cette obligation comptable garantit la probité du scrutin et permet de vérifier le respect des plafonds de dépenses autorisés par la loi. Le juge rappelle que tout candidat soumis à cette règle « est tenu d’établir un compte de campagne » et de le déposer promptement. Le non-respect de ce formalisme constitue une méconnaissance directe des dispositions législatives destinées à assurer l’égalité entre les différents compétiteurs politiques. L’absence de transmission des pièces comptables empêche tout contrôle effectif par l’autorité compétente et vicie la transparence financière de la campagne.

B. L’inefficience des obstacles matériels invoqués par le candidat

Pour justifier son omission, le requérant invoquait l’impossibilité d’ouvrir un compte bancaire, ce qui aurait entravé la gestion financière de sa propre candidature. Le Conseil constitutionnel écarte fermement cet argument en précisant que « cette circonstance, au demeurant non établie, n’est pas de nature à justifier l’absence ». Le juge souligne ainsi que les difficultés administratives ou bancaires ne dispensent jamais le candidat de ses obligations déclaratives minimales envers l’État. Cette fermeté jurisprudentielle oblige les acteurs politiques à anticiper les contraintes logistiques liées au financement de leurs activités électorales sous peine de sanction. La protection de l’ordre public électoral prime sur les désagréments individuels rencontrés par les candidats lors de la période de préparation du scrutin.

II. La mise en œuvre rigoureuse de la sanction d’inéligibilité

A. L’appréciation souveraine de la particulière gravité de l’omission

Le code électoral permet au juge de prononcer l’inéligibilité en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes. En l’espèce, le défaut total de dépôt du compte est qualifié par le juge constitutionnel de manquement d’une « particulière gravité » sans aucune ambiguïté. Le juge ne se contente pas de constater l’irrégularité mais il évalue l’impact de cette carence sur la sincérité du contrôle financier global. Cette qualification juridique automatique pour les cas d’absence totale de compte démontre la volonté de purger le processus électoral de tout doute financier. La décision souligne que la méconnaissance d’une règle fondamentale du droit électoral ne peut rester sans conséquence juridique majeure pour le candidat défaillant.

B. La portée dissuasive de l’interdiction de solliciter les suffrages

Le Conseil constitutionnel décide de déclarer le candidat « inéligible à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision ». Cette mesure prive l’intéressé de la possibilité de solliciter les suffrages des électeurs pendant une période significative, renforçant ainsi l’autorité de la loi. La sanction remplit un double office de punition du comportement fautif et de prévention des manquements futurs par d’autres candidats aux élections. Elle assure que seuls les citoyens respectueux des règles de financement public puissent accéder aux fonctions électives les plus hautes de la République. Cette jurisprudence confirme la place centrale occupée par la transparence financière dans la légitimité des élus et la protection du débat démocratique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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