Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 9 juin 2023, s’est prononcé sur le rejet du compte de campagne d’une candidate aux élections législatives. Une candidate s’est présentée dans la douzième circonscription du département du Rhône lors des scrutins organisés les 12 et 19 juin 2022. En application des dispositions législatives, elle devait soumettre ses dépenses et ses recettes électorales au contrôle de la commission nationale compétente.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rendu une décision de rejet le 2 février 2023. Elle a ensuite saisi le Conseil constitutionnel le 13 février 2023 afin qu’il statue sur l’éventuelle inéligibilité de la candidate. L’autorité administrative reproche l’absence totale d’ouverture d’un compte bancaire unique par le mandataire financier, en méconnaissance des prescriptions du code électoral. La candidate n’a produit aucune observation au cours de cette procédure contentieuse pour justifier l’omission constatée par le rapporteur.
Le juge constitutionnel doit déterminer si l’absence de compte bancaire spécifique constitue un manquement justifiant le rejet du compte et l’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel confirme le rejet au motif que « le mandataire financier qu’elle avait désigné n’a pas ouvert de compte bancaire ». Il décide ensuite de prononcer une inéligibilité pour une durée d’un an en raison de la gravité du manquement constaté. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la rigueur de l’obligation financière avant d’apprécier la portée de la sanction d’inéligibilité.
I. La consécration de la méconnaissance d’une formalité substantielle
A. L’impératif de traçabilité financière par le compte unique
Le code électoral impose au mandataire financier l’ouverture d’un compte bancaire unique retraçant la totalité des opérations financières de la campagne. Cette règle garantit la transparence du financement électoral en permettant une vérification précise de l’origine et de la nature des fonds. Le juge rappelle que « ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et l’ensemble des dépenses engagées ». L’absence de ce support bancaire empêche structurellement tout contrôle effectif de la sincérité des opérations financières réalisées par le candidat.
B. La validation juridictionnelle du rejet du compte de campagne
La Commission nationale a rejeté le compte car le mandataire financier n’a pas respecté les prescriptions de l’article L. 52-6 du code. Le Conseil constitutionnel juge que « cette circonstance est établie » et valide ainsi le rejet prononcé initialement par l’autorité administrative compétente. Le non-respect de cette formalité ne permet pas de régulariser a posteriori la situation comptable de la candidate devant le juge. L’équilibre du compte ne saurait être vérifié sans la production des relevés bancaires normalement issus du compte unique obligatoire.
II. La mise en œuvre d’une sanction d’inéligibilité proportionnée
A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible le candidat auteur d’un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes. Le Conseil constitutionnel considère que l’omission de l’ouverture du compte bancaire unique justifie pleinement l’application de cette mesure de rigueur. Les juges affirment qu’il « y a lieu de prononcer l’inéligibilité » au regard de la méconnaissance directe des obligations de transparence financière. Cette qualification juridique souligne l’importance capitale que le juge constitutionnel attache au respect des procédures de contrôle du financement politique.
B. La portée temporelle de l’inéligibilité d’un an
Le Conseil constitutionnel fixe la durée de l’inéligibilité à un an à compter de la date de notification de la présente décision. Cette durée demeure modérée par rapport au maximum légal mais sanctionne néanmoins efficacement l’absence de diligence de la candidate concernée. La décision est publiée au Journal officiel de la République française afin d’assurer l’information des électeurs et des autorités administratives chargées des scrutins. Le juge exerce ici son pouvoir de régulation pour préserver l’égalité entre les compétiteurs lors des futures échéances électorales nationales.