Le Conseil constitutionnel, par une décision du 16 juin 2023, s’est prononcé sur le respect des règles de financement des campagnes électorales législatives. Un candidat aux élections des 12 et 19 juin 2022 a vu son compte de campagne rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne. Des tiers ont réglé directement plusieurs dépenses électorales après la désignation du mandataire financier de l’intéressé malgré l’interdiction posée par le code électoral. Le candidat invoquait des obstacles administratifs ayant nécessité l’intervention de la Banque de France pour l’ouverture tardive d’un compte bancaire de campagne. Saisi par la Commission le 14 février 2023, le juge constitutionnel doit déterminer si ces paiements directs justifient le rejet du compte et l’inéligibilité. Il confirme la décision de la Commission en soulignant la méconnaissance caractérisée des obligations législatives pesant sur le candidat et son mandataire financier. Il convient d’analyser d’abord la portée du principe d’intermédiation financière avant d’étudier la sévérité de la sanction prononcée par le juge constitutionnel.
**I. L’application rigoureuse de l’obligation d’intermédiation du mandataire financier**
**A. Le principe de l’exclusivité du paiement par le mandataire financier**
L’article L. 52-4 du code électoral impose au mandataire financier de régler seul les dépenses engagées en vue de l’élection. Cette règle garantit la traçabilité des flux financiers et prévient les financements occultes lors des consultations électorales nationales pour assurer l’égalité. Le Conseil constitutionnel rappelle que le mandataire doit normalement centraliser tous les paiements intervenant après sa désignation officielle sous peine de nullité. Des exceptions existent pour les « menues dépenses » si leur montant global reste faible par rapport au total des charges réelles du compte. En l’espèce, les dépenses litigieuses représentaient près de la moitié des frais engagés, interdisant ainsi toute qualification de dépenses négligeables par le juge.
**B. L’indifférence des difficultés matérielles liées à l’ouverture du compte bancaire**
Le candidat tentait de justifier ces irrégularités par les difficultés matérielles rencontrées par son mandataire pour l’ouverture d’un compte bancaire de campagne. Bien que la Banque de France soit intervenue, le juge estime que cette « circonstance n’est pas de nature à faire obstacle » à la loi. La rigueur du droit électoral interdit tout contournement des modalités de paiement, même face à des contraintes administratives ou bancaires réelles pour les candidats. La protection de la sincérité du scrutin l’emporte ici sur les obstacles pratiques rencontrés par les équipes de campagne durant la période électorale. Cette rigueur dans l’appréciation des obligations comptables conduit naturellement le juge à s’interroger sur la nature des sanctions applicables au candidat.
**II. La sanction d’un manquement substantiel aux règles du financement électoral**
**A. La caractérisation d’une irrégularité d’une particulière gravité**
La déclaration d’inéligibilité requiert désormais la constatation d’une « volonté de fraude ou d’un manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement. Le juge relève que les paiements effectués hors du compte bancaire s’élèvent à 3 672 euros, soit 45,9 % du total des dépenses. Ce pourcentage élevé témoigne d’une méconnaissance substantielle du rôle dévolu au mandataire financier durant toute la durée de la campagne électorale. Le Conseil constitutionnel retient la gravité du manquement pour valider le rejet du compte de campagne opéré initialement par l’autorité administrative compétente. Le caractère substantiel de la règle méconnue justifie ainsi une réponse juridictionnelle ferme afin de préserver l’intégrité financière du processus démocratique.
**B. La proportionnalité de la déclaration d’inéligibilité au regard des faits**
La sanction d’inéligibilité pour une durée d’un an apparaît proportionnée au regard du caractère essentiel de la règle de paiement unique par mandataire. Ce dispositif vise à assurer l’égalité entre les candidats et le contrôle effectif des ressources utilisées durant la compétition politique nationale. Le juge de l’élection dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour graduer la sanction en fonction de l’importance des sommes irrégulièrement engagées. Cette jurisprudence confirme la vigilance accrue des autorités sur la discipline budgétaire des candidats lors des scrutins législatifs organisés sur le territoire. L’inéligibilité sanctionne ici le non-respect d’un pilier fondamental du droit électoral destiné à garantir la transparence absolue des comptes de campagne.