Le Conseil constitutionnel a rendu, le 15 juin 2023, une décision relative au contrôle du financement des comptes de campagne lors des élections législatives. Cette affaire concerne un candidat ayant obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés dans une circonscription du département des Bouches-du-Rhône. En raison de manquements graves aux obligations comptables, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi la juridiction constitutionnelle en février 2023. Les juges devaient déterminer si le dépôt tardif du compte de campagne, associé à l’absence de compte bancaire dédié, justifiait une déclaration d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel a prononcé l’inéligibilité de l’intéressé pour une durée de trois ans en raison de la nature substantielle des obligations électorales méconnues.
I. La caractérisation d’une double violation des règles de financement électoral
A. Le non-respect du délai impératif de dépôt du compte de campagne
L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages d’établir un compte de campagne retraçant leurs opérations. La loi précise que « ce compte de campagne doit être déposé […] au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin ». En l’espèce, le délai légal expirait le 19 août 2022, mais le candidat n’a transmis ses documents comptables que le 30 août suivant. Ce retard de onze jours constitue une violation formelle manifeste des dispositions législatives encadrant la transparence financière de la vie politique française.
B. L’absence substantielle d’un compte bancaire unique et dédié
Le droit électoral impose également au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières » selon l’article L. 52-6. Le candidat a ici totalement négligé cette formalité, bien que son mandataire ait été dûment désigné pour assurer la gestion des fonds de campagne. L’intéressé tentait de justifier cette carence en soutenant qu’il n’avait engagé aucune dépense ni perçu aucune recette durant la période électorale considérée. Toutefois, la juridiction rappelle que l’absence de flux financiers ne dispense pas le candidat de l’obligation de détenir un compte bancaire spécifique pour son élection.
II. La sévérité de la sanction face à l’atteinte à la transparence démocratique
A. Le constat d’un manquement d’une particulière gravité aux obligations légales
Le Conseil constitutionnel examine la portée des manquements pour apprécier s’ils revêtent un caractère de gravité suffisant au sens de l’article L.O. 136-1. Les juges relèvent qu’il ne résulte pas de l’instruction que « des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant des articles L. 52-6 et L. 52-12 ». La rigueur de la jurisprudence constitutionnelle refuse d’admettre la simple négligence ou l’absence de fonds comme une excuse valable pour contourner le droit électoral. Le cumul d’un dépôt hors délai et de l’absence de compte bancaire prive en effet l’administration de tout moyen de contrôle efficace.
B. La proportionnalité de la déclaration d’inéligibilité pour une durée de trois ans
La décision conclut au caractère impératif de la sanction « eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues » par le candidat. En application des dispositions organiques, la juridiction prononce l’inéligibilité du requérant à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la décision. Cette sanction rigoureuse assure le respect de l’égalité entre les candidats et garantit l’intégrité du processus de désignation des représentants de la Nation. La clarté de cette position jurisprudentielle confirme que les règles de financement électoral ne souffrent aucune interprétation laxiste de la part des acteurs politiques.