Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6205 AN du 16 juin 2023

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 16 juin 2023, statue sur la régularité du financement électoral d’un candidat aux élections législatives. Ce dernier a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés lors du scrutin organisé dans une circonscription départementale en juin 2022. L’administration a constaté un dépôt tardif du compte de campagne ainsi que l’absence d’ouverture d’un compte bancaire par le mandataire financier. L’autorité de contrôle des comptes de campagne a saisi le juge électoral le 15 février 2023 pour examiner la situation du candidat. Ce dernier soutient pour sa défense n’avoir engagé aucune dépense ni perçu la moindre recette durant la période électorale considérée. Le problème juridique consiste à déterminer si ces omissions cumulées justifient le prononcé d’une inéligibilité malgré l’absence apparente de flux financiers. Le Conseil constitutionnel retient que la méconnaissance d’obligations substantielles impose de déclarer le candidat inéligible pour une durée de trois ans. L’examen des manquements aux règles comptables précède l’étude de la sanction prononcée par la juridiction constitutionnelle.

I. La caractérisation des manquements aux obligations comptables

A. L’irrévocabilité du délai de dépôt du compte de campagne

Le candidat est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ». Cette obligation de dépôt doit s’effectuer au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Le juge électoral relève que le délai expirait le 19 août 2022 alors que le compte fut déposé le 30 août suivant. Le respect de ce calendrier constitue une condition impérative pour permettre le contrôle efficace des fonds mobilisés durant la période électorale. La méconnaissance d’une date butoir fragilise la transparence financière que le législateur a entendu garantir strictement pour chaque candidat.

B. L’exigence fondamentale de l’ouverture d’un compte bancaire

L’article L. 52-6 impose au mandataire financier l’ouverture d’un compte bancaire unique pour retracer la totalité des opérations financières. En l’espèce, le mandataire financier du candidat n’a pas procédé à cette ouverture, violant ainsi une disposition essentielle du code électoral. L’absence de compte dédié empêche toute vérification externe de la réalité des flux monétaires transitant par l’intermédiaire du mandataire. Cette formalité demeure obligatoire même si l’intéressé affirme n’avoir engagé aucune dépense ni perçu de recettes au cours de sa campagne. L’accumulation de ces irrégularités techniques conduit le juge à apprécier la sévérité de la réponse juridictionnelle appropriée à l’espèce.

II. La sévérité de la sanction liée au cumul des violations

A. L’appréciation de la gravité particulière des omissions

Le juge peut déclarer l’inéligibilité en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Il estime ici que le retard de dépôt et l’absence de compte bancaire présentent un caractère hautement préjudiciable à l’ordre électoral. Aucune circonstance particulière n’est de nature « à justifier la méconnaissance des obligations résultant des articles L. 52-6 et L. 52-12 ». La volonté de fraude n’est pas nécessaire pour que le Conseil constitutionnel qualifie juridiquement la gravité des faits reprochés. La rigueur du contrôle s’explique par la nécessité d’assurer une égalité réelle entre tous les prétendants à un mandat législatif.

B. Les conséquences juridiques de l’inéligibilité triennale

Le Conseil constitutionnel prononce l’inéligibilité pour une durée de trois ans en raison du « cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues ». Cette sanction prive le candidat du droit de se présenter à tout mandat électoral pour la période fixée par la décision. La durée retenue manifeste une volonté de sanctionner fermement le mépris des règles comptables, même en l’absence de flux financiers démontrés. Cette jurisprudence confirme la primauté de la transparence formelle sur les explications factuelles fournies par les candidats lors du contentieux. L’inéligibilité prend effet immédiatement à compter de la date de la décision rendue par les membres de la juridiction constitutionnelle.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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