Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6221 AN du 22 juin 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 22 juin 2023, s’est prononcé sur le contentieux du financement des élections législatives de juin 2022. Un candidat n’ayant pas respecté les obligations relatives à la tenue de son compte de campagne s’est vu opposer une décision de rejet. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a effectivement relevé l’absence d’ouverture d’un compte bancaire spécifique par le mandataire financier. Saisie par cette commission, la juridiction constitutionnelle doit déterminer si ce manquement justifie le rejet du compte et le prononcé d’une inéligibilité. Le juge valide le rejet au motif que « le mandataire financier qu’il avait désigné n’a pas ouvert de compte bancaire ». Il prononce en outre une inéligibilité d’un an, soulignant la gravité du manquement aux règles de financement. L’examen de la régularité des opérations financières précède ainsi l’appréciation de la responsabilité du candidat défaillant.

I. La sanction du défaut de traçabilité des opérations financières

A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte bancaire dédié

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle constitue le pilier de la traçabilité des fonds engagés durant la période électorale par les différents candidats à l’élection. Le Conseil constitutionnel rappelle ici que cette obligation est de droit étroit et ne souffre aucune dérogation injustifiée pour les compétiteurs politiques. La transparence financière de la vie publique repose en effet sur l’isolement strict des flux monétaires liés à la conquête des mandats.

Cette exigence permet à l’autorité de contrôle de vérifier l’origine des recettes et la nature des dépenses engagées pour la campagne électorale. Le juge constitutionnel considère que le respect de cette formalité est essentiel pour garantir la sincérité du scrutin et l’égalité entre les candidats. L’absence de compte spécifique fait obstacle à toute vérification sérieuse de la comptabilité présentée par le mandataire financier du candidat.

B. Le bien-fondé du rejet du compte de campagne

Le non-respect de cette disposition entraîne mécaniquement le rejet du compte de campagne par l’autorité administrative compétente pour son contrôle de régularité. Le juge constitutionnel confirme que « c’est à bon droit » que la commission a écarté le compte en raison de cette omission manifeste. La décision souligne que cette circonstance est matériellement établie, ne laissant ainsi aucune place à une interprétation souple de la norme. L’irrégularité constatée par la commission nationale lie en quelque sorte le juge dès lors que le manquement comptable est avéré.

Le Conseil constitutionnel rejette ainsi l’argumentation qui tendrait à minimiser la portée de cette obligation formelle dans le cadre de la procédure électorale. Le rejet du compte constitue la conséquence directe et nécessaire de l’impossibilité de contrôler les mouvements de fonds sur un compte bancaire unique. Cette sanction administrative prépare l’examen ultérieur de la situation électorale du candidat par la juridiction compétente en matière de contentieux.

II. La qualification du manquement et le prononcé de l’inéligibilité

A. L’exigence d’une preuve matérielle des diligences accomplies

Le candidat tentait d’expliquer sa situation par l’impossibilité matérielle d’obtenir l’ouverture d’un compte auprès de plusieurs établissements bancaires sollicités durant la campagne. Il affirmait avoir effectué de nombreuses demandes et saisi la Banque de France pour bénéficier de la procédure légale du droit au compte. Toutefois, le juge note qu’il « n’a produit devant elle aucune pièce justifiant de ces démarches » durant l’instruction de son dossier. Cette absence de preuve documentaire rend inopérant l’argument tiré des difficultés administratives rencontrées par l’intéressé ou son mandataire.

Le Conseil constitutionnel manifeste une rigueur particulière concernant la charge de la preuve incombant aux candidats invoquant des obstacles extérieurs à leur volonté. Seule une démonstration rigoureuse des diligences entreprises permettrait d’atténuer la responsabilité du candidat face à l’absence de compte bancaire de campagne. Le défaut de justificatifs prive la défense de toute portée juridique face aux constatations factuelles de la commission nationale des comptes.

B. La gravité d’une méconnaissance prévisible des règles électorales

En application de l’article L.O. 136-1, le Conseil déclare l’inéligibilité pour une durée d’un an, sanctionnant ainsi un « manquement d’une particulière gravité ». Le juge considère que le candidat ne pouvait ignorer la portée de ces règles essentielles au bon déroulement et à la transparence du scrutin. Cette sévérité vise à prévenir toute tentative de dissimulation de fonds ou de méconnaissance délibérée des plafonds de dépenses imposés par la loi. La sanction est alors le corollaire indispensable de la discipline imposée par le code électoral à tous les candidats.

La durée d’un an retenue par la juridiction témoigne néanmoins d’une appréciation calibrée de la faute au regard de la jurisprudence habituelle du Conseil. Cette décision réaffirme la fonction pédagogique et répressive du contentieux électoral pour assurer la moralisation de la vie politique nationale. La protection du suffrage universel passe par le respect scrupuleux des procédures comptables définies par le législateur pour encadrer les campagnes électorales.

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Hassan KOHEN
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