Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6240 AN du 16 juin 2023

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2023-6240 AN du 15 juin 2023, s’est prononcé sur la régularité du financement de la campagne d’une candidate. La question portait sur l’obligation de déposer un compte certifié et signé lorsque le seuil légal de suffrages exprimés est atteint par un compétiteur. À la suite du scrutin, une candidate ayant obtenu plus de 1 % des voix a transmis un document dépourvu de sa signature manuscrite obligatoire.

L’autorité nationale de contrôle a rejeté ce compte le 8 février 2023 en raison d’un défaut de régularisation persistant malgré les demandes de l’administration. Le juge électoral a été saisi le 16 février 2023 afin de statuer sur l’éventuelle inéligibilité de l’intéressée selon les dispositions du code électoral. La candidate a justifié son refus de signer par l’absence d’actes de propagande effectifs dans la circonscription ultra-marine où elle s’était présentée.

Le problème de droit consistait à savoir si le refus délibéré de signer un compte de campagne doit être assimilé à une absence totale de dépôt. Le Conseil constitutionnel décide que la candidate « doit être regardée comme n’ayant pas déposé son compte de campagne » en raison de son refus persistant. Il prononce une inéligibilité de trois ans, estimant que ce manquement présente une particulière gravité en l’absence de toute circonstance justificative valable.

L’analyse de l’assimilation du refus de signature au défaut de dépôt précédera l’étude de la rigueur de la sanction prononcée par le juge constitutionnel.

I. L’assimilation du refus de signature au défaut de dépôt du compte de campagne

A. L’obligation formelle de dépôt et de certification des comptes L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages d’établir un compte de campagne parfaitement sincère. Ce document doit retracer l’intégralité des recettes perçues ainsi que l’ensemble des dépenses engagées pour la période électorale définie par la loi organique. La signature du candidat constitue une formalité substantielle car elle atteste de la véracité des informations transmises à l’autorité administrative de contrôle financier.

Le juge rappelle que le compte doit être en équilibre ou excédentaire et déposé au plus tard le dixième vendredi suivant le scrutin législatif. Le respect de ces exigences formelles permet d’assurer la transparence du financement de la vie politique et l’égalité effective entre tous les candidats.

B. La qualification juridique du refus persistant de régularisation L’intéressée a expressément refusé de signer son compte, expliquant qu’elle n’avait pas fait campagne dans la circonscription concernée lors des dernières élections législatives. Le Conseil constitutionnel rejette cette argumentation en considérant que la réalité de l’activité électorale ne dispense jamais du respect des obligations légales de dépôt. Dès lors, l’absence volontaire de signature équivaut juridiquement à une absence totale de dépôt puisque le document n’est pas en état d’être examiné.

Cette équivalence juridique établie par le juge électoral justifie alors l’examen de la proportionnalité de la sanction retenue contre la candidate défaillante.

II. La rigueur de la sanction face à l’absence de circonstances atténuantes

A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité L’article L.O. 136-1 autorise le juge à déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement » prévues. Le refus volontaire et réitéré de se conformer aux exigences de signature est interprété par la juridiction comme une méconnaissance délibérée des règles impératives. Le Conseil souligne qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » des obligations.

Le juge écarte ainsi toute excuse fondée sur l’absence de dépenses effectives pour maintenir l’intégrité de la procédure de contrôle des comptes publics.

B. L’inéligibilité triennale comme instrument de probité électorale La sanction prononcée consiste en une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de la décision. Cette sévérité illustre la volonté du juge constitutionnel de garantir la transparence financière absolue de la vie politique pour l’ensemble des candidats nationaux. La décision assure l’égalité entre les compétiteurs en sanctionnant ceux qui s’affranchissent unilatéralement du contrôle exercé par la puissance publique sur les finances.

Le respect des formes prescrites par le code électoral demeure une condition impérative pour la validité de toute candidature à une élection législative.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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