Le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 juin 2023, une décision relative au contentieux électoral né des élections législatives tenues les 12 et 19 juin 2022. Dans cette espèce, un candidat s’était présenté aux suffrages des électeurs au sein d’une circonscription sans satisfaire ultérieurement aux obligations financières légales. Le candidat a obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés, seuil déclenchant l’obligation de déposer un compte de campagne conformément aux dispositions du code électoral. Cependant, à l’expiration du délai légal fixé au dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin, aucun document comptable n’avait été déposé auprès de l’autorité compétente. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le Conseil constitutionnel le 17 février 2023 afin de statuer sur cette irrégularité. Le candidat, bien qu’informé de la saisine, n’a produit aucune observation pour justifier le défaut de dépôt de ses comptes de campagne dans le délai imparti. La question posée au juge constitutionnel est de savoir si l’absence totale de dépôt du compte de campagne constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant l’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel juge qu’en l’absence de circonstances particulières, le non-respect des délais prescrits par l’article L. 52-12 du code électoral entraîne une déclaration d’inéligibilité pour trois ans.
I. La caractérisation du manquement aux obligations de transparence financière
A. L’impératif légal du dépôt du compte de campagne
Le Conseil constitutionnel rappelle d’abord la portée des obligations comptables pesant sur les candidats ayant atteint un certain seuil de représentativité lors du scrutin législatif. L’article L. 52-12 dispose que chaque candidat est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ». Cette règle garantit la sincérité du scrutin et le contrôle effectif des dépenses engagées pour influencer le choix des électeurs durant la période électorale. La juridiction souligne que ce compte doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». Le dépôt doit impérativement intervenir avant le délai de forclusion, fixé précisément au dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin pour permettre un contrôle serein. En l’espèce, le candidat a méconnu cette obligation fondamentale pour la transparence du financement de la vie politique française.
B. L’absence de justification par le candidat défaillant
La sévérité du juge constitutionnel s’explique par l’absence totale de justificatifs ou de motifs légitimes venant expliquer le silence prolongé du candidat face à ses obligations. La décision relève expressément qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » résultant du code. Le candidat n’a fourni aucune explication, laissant le juge sans élément pour moduler sa décision ou pour retenir une éventuelle erreur matérielle. La jurisprudence constitutionnelle est constante sur ce point, n’admettant des exceptions que dans des cas de force majeure ou de difficultés techniques insurmontables et extérieures. En l’absence de défense, la carence du candidat est analysée comme une négligence coupable qui altère irrémédiablement le processus de contrôle financier obligatoire.
II. Le prononcé d’une inéligibilité fondée sur la particulière gravité
A. La qualification de la faute commise par le candidat
La qualification de la gravité du manquement permet au Conseil constitutionnel de déclencher le régime de sanctions prévu par les dispositions organiques du code électoral. L’article L.O. 136-1 prévoit que le juge peut déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Le Conseil estime ici que le défaut de dépôt d’un compte, lorsqu’il est total et injustifié, remplit nécessairement les critères de cette particulière gravité. Cette appréciation souveraine des faits permet de protéger l’ordre public électoral en écartant du jeu politique ceux qui s’affranchissent des règles de contrôle. Le juge constitutionnel considère que « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », il convient d’appliquer une sanction dissuasive et proportionnée à la faute.
B. L’application d’une sanction triennale de plein droit
La conséquence juridique de ce manquement est le prononcé d’une inéligibilité à tout mandat pour une durée fixe de trois ans à compter de la décision. Cette sanction prive le candidat du droit de se présenter à de futures élections durant cette période afin de garantir l’intégrité des prochains scrutins. Le juge constitutionnel utilise sa plénitude de juridiction pour assurer que les obligations financières ne demeurent pas de simples pétitions de principe sans portée concrète. La décision sera notifiée selon les formes habituelles et publiée au Journal officiel de la République française pour en assurer la pleine efficacité envers les tiers. Par cette fermeté, le Conseil constitutionnel réaffirme que la discipline budgétaire des candidats est une condition sine qua non de leur participation à la vie démocratique.