Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6254 AN du 26 mai 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 26 mai 2023, s’est prononcé sur le respect des obligations comptables incombant aux candidats lors des élections législatives. Un candidat ayant participé au scrutin des 12 et 19 juin 2022 a déposé son compte de campagne après l’expiration du délai légal. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge de l’élection le 17 février 2023. L’intéressé invoquait des problèmes de santé personnels ainsi que des dysfonctionnements bancaires et comptables pour justifier ce dépôt tardif. La question posée au juge constitutionnel consistait à déterminer si un retard de dépôt constitue un manquement justifiant une déclaration d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel a considéré que le retard caractérisait un manquement d’une particulière gravité justifiant une inéligibilité d’un an. Cette décision souligne la rigueur des délais imposés aux candidats (I) avant de préciser les conditions de la sanction d’inéligibilité (II).

I. Le caractère impératif des délais de dépôt du compte de campagne

A. L’exigence légale d’une transmission dans le délai préfix

L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats l’établissement d’un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées. Ce document comptable doit impérativement être déposé à la commission compétente « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin ». En l’espèce, le compte de campagne devait être remis avant le 19 août 2022, mais il ne fut transmis que le 1er octobre. Le juge relève que le dépôt est intervenu « après l’expiration de ce délai », confirmant ainsi le caractère impératif de la borne chronologique fixée. La transparence du financement électoral repose effectivement sur le respect strict de ces formalités administratives destinées à permettre un contrôle efficace des fonds.

B. L’inefficacité des justifications subjectives liées aux obstacles personnels

Pour s’opposer à la saisine, le candidat faisait valoir des difficultés de santé ainsi que des obstacles techniques imputables à son établissement bancaire. Le Conseil constitutionnel écarte ces arguments en jugeant que l’intéressé « ne démontre pas que ces circonstances auraient été de nature à justifier son retard ». La preuve de la force majeure ou d’un empêchement insurmontable n’est pas rapportée par les pièces produites et jointes au dossier d’instruction. Le juge maintient ainsi une approche objective de la faute, refusant de pallier les carences organisationnelles ou les aléas personnels des prétendants au suffrage. Cette sévérité jurisprudentielle assure l’égalité entre les candidats devant les contraintes du droit électoral. Le constat de cette méconnaissance des délais conduit naturellement le juge à s’interroger sur la nature de la sanction applicable au candidat défaillant.

II. La sanction d’inéligibilité consécutive à la gravité du manquement

A. La qualification de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement

L’inéligibilité peut être prononcée en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales », conformément à l’article L.O. 136-1. Le retard de plusieurs semaines dans le dépôt du compte est ici qualifié de faute majeure par les juges de la rue de Montpensier. La décision affirme explicitement que « compte tenu de la gravité de ce manquement », il convient d’écarter le candidat de la vie publique temporairement. Cette qualification juridique montre que le respect du calendrier n’est pas une simple formalité technique, mais une condition essentielle de la régularité électoral. L’absence de compte dans les délais empêche le contrôle nécessaire à la sincérité du scrutin et à la moralisation de la vie politique.

B. La mise en œuvre d’une inéligibilité proportionnée à la faute constatée

Le Conseil constitutionnel dispose d’un pouvoir d’appréciation pour fixer la durée de l’inéligibilité, laquelle ne saurait excéder une période maximale définie par les textes. Dans cette espèce, le juge déclare l’intéressé inéligible « à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision ». Cette sanction est proportionnée à la nature de l’omission tout en interdisant au candidat de se présenter à de nouveaux scrutins. La décision sera publiée au Journal officiel de la République française afin d’assurer l’information des électeurs et des autorités administratives compétentes. Le juge de l’élection confirme ainsi sa fonction de gardien de la probité des acteurs politiques engagés dans la compétition démocratique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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