Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 29 juin 2023, s’est prononcé sur le respect des obligations de financement des campagnes électorales nationales. Un candidat aux élections législatives de juin 2022 a obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour de scrutin. Cette situation lui imposait légalement de déposer un compte de campagne retraçant ses recettes et ses dépenses devant la commission nationale compétente. Le candidat n’a toutefois pas transmis ce document dans le délai de dix semaines prescrit par le code électoral sous peine de sanctions.
La commission nationale compétente a alors saisi le Conseil constitutionnel afin qu’il statue sur cette méconnaissance manifeste des règles de financement public. L’intéressé a soutenu avoir expédié son compte de campagne mais il n’a produit aucun justificatif probant durant l’instruction contradictoire menée devant les juges. La question posée est de savoir si l’absence de dépôt du compte, non justifiée par des circonstances particulières, constitue un manquement d’une particulière gravité. Le Conseil constitutionnel juge que le manquement est caractérisé et prononce une inéligibilité de trois ans en application des dispositions organiques du code électoral. L’analyse portera d’abord sur la caractérisation du manquement aux règles de financement avant d’étudier la proportionnalité de la sanction d’inéligibilité ainsi prononcée.
I. La caractérisation du manquement aux règles de financement
A. L’obligation impérative de dépôt du compte de campagne
Les juges rappellent que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement […] est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages ». Cette formalité substantielle garantit la transparence de la vie politique en permettant un contrôle effectif des ressources financières utilisées durant la période électorale. Le compte doit être déposé « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » pour permettre l’examen des dépenses. En l’espèce, le candidat avait l’obligation de se soumettre à ce contrôle rigoureux puisque son score électoral dépassait le seuil minimal requis par la loi. La méconnaissance de ce délai légal fragilise directement le mécanisme de surveillance administrative et prive la commission de sa mission essentielle de vérification des fonds. Cette rigueur s’applique d’autant plus fermement que l’intéressé ne parvient pas à démontrer la réalité de ses démarches administratives auprès des juges.
B. L’absence de justification probante de l’envoi
Le candidat affirmait avoir procédé à l’envoi de son dossier comptable mais « il n’apporte aucun élément au soutien de cette allégation » selon les constatations. La preuve de la transmission incombe au candidat qui doit veiller à conserver les récépissés de dépôt ou les preuves d’envoi postal pour prévenir tout litige. Le Conseil constitutionnel souligne qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » des obligations légales impératives. Le défaut de preuve matérielle transforme l’omission procédurale en une faute caractérisée qui empêche définitivement tout contrôle sur la sincérité des dépenses engagées pour l’élection. Cette absence totale de compte constitue logiquement un manquement grave dès lors qu’aucune force majeure ou erreur administrative extérieure n’est valablement démontrée par l’intéressé. La constatation de cette faute objective conduit alors le juge électoral à s’interroger sur la nature de la sanction devant être appliquée.
II. L’appréciation de la sanction d’inéligibilité
A. La mise en œuvre de l’article L.O. 136-1 du code électoral
Le code électoral prévoit qu’en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement », le juge peut déclarer le candidat fautif inéligible à tout mandat. Cette disposition organique laisse au Conseil constitutionnel un pouvoir d’appréciation souverain pour mesurer l’intensité de la faute commise au regard des faits de l’espèce. Le juge considère ici que le défaut de dépôt, sans justification valable, revêt cette gravité particulière nécessaire au prononcé d’une mesure restrictive de liberté politique. « Dès lors, compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », la juridiction estime nécessaire d’écarter le candidat de la vie publique pendant une période déterminée. La décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui sanctionne sévèrement l’absence totale de transparence financière, perçue comme une atteinte majeure à l’égalité électorale. Le choix de la durée de cette mesure de retrait souligne l’importance que le juge attache à la probité des candidats.
B. La portée de la durée de l’inéligibilité
Le Conseil constitutionnel décide de « prononcer l’inéligibilité […] à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision » rendue publique. Cette durée de trois ans correspond à la sanction médiane prévue par les textes, témoignant d’une volonté de fermeté sans pour autant atteindre le maximum légal. La mesure prend effet immédiatement et interdit à l’intéressé de se présenter à tout scrutin local ou national durant cette période de retrait forcé. Cette sanction remplit un rôle préventif et pédagogique en rappelant à tous les acteurs politiques l’importance vitale du respect scrupuleux des règles de financement. La décision assure ainsi la protection de l’ordre public électoral en garantissant que seuls les candidats respectant les obligations de transparence puissent solliciter le suffrage.