Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6264 AN du 30 juin 2023

Le Conseil constitutionnel s’est fondé sur ce qui suit pour apprécier la régularité du compte de campagne d’une candidate aux élections législatives de juin deux mille vingt-deux. Ce litige trouve son origine dans le contrôle exercé par l’autorité administrative de régulation des comptes de campagne lors du scrutin des 5 et 19 juin 2022. La candidate avait concouru dans la dixième circonscription des Français établis hors de France sans toutefois respecter l’ensemble des obligations comptables imposées par le code électoral.

L’autorité de contrôle a rejeté le compte de campagne par une décision du 27 février 2023 en raison de l’absence d’ouverture d’un compte bancaire par le mandataire financier. Saisi le 10 mars 2023, le Conseil constitutionnel devait apprécier si cette méconnaissance des dispositions législatives justifiait le maintien du rejet et une inéligibilité de la candidate. L’intéressée invoquait des refus bancaires opposés à son mandataire mais elle n’apportait aucun justificatif probant pour étayer ses observations enregistrées au secrétariat le 20 mars 2023.

Le juge de l’élection a confirmé que le manquement était établi et a déclaré la candidate inéligible pour une durée d’un an à compter de sa décision définitive. Il convient d’analyser d’abord la rigueur de l’obligation comptable relative au compte bancaire unique avant d’étudier la portée de la sanction d’inéligibilité prononcée par la juridiction constitutionnelle.

I. La confirmation d’un manquement substantiel aux obligations de transparence financière

A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte bancaire dédié

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières effectuées par lui. Cette règle fondamentale vise à assurer la traçabilité complète des fonds utilisés durant la campagne électorale afin de prévenir toute utilisation occulte de ressources financières illicites. Le Conseil constitutionnel souligne que « le mandataire financier qu’elle avait désigné n’a pas ouvert de compte bancaire » en violation manifeste des dispositions législatives du code électoral. Le respect de cette formalité constitue une garantie essentielle pour l’examen sincère du compte par l’autorité chargée de vérifier la régularité des recettes et des dépenses engagées. La simple existence de cette circonstance matérielle suffit à fonder le rejet du compte sans que le juge n’ait besoin de rechercher une intention frauduleuse de l’intéressée.

B. L’exigence de preuves matérielles face aux allégations de difficultés bancaires

La candidate tentait de justifier son omission en invoquant « le refus qui aurait été opposé à son mandataire par certains établissements bancaires » lors de ses démarches administratives. Le droit électoral prévoit pourtant des mécanismes de médiation ou de droit au compte lorsque des difficultés de cette nature surviennent durant la période légale de campagne. Le Conseil constitutionnel rejette cet argument au motif que la requérante « n’apporte, en tout état de cause, aucun élément au soutien de cette affirmation » restée isolée au dossier. La charge de la preuve incombe exclusivement au candidat qui doit démontrer la réalité de ses diligences infructueuses pour espérer échapper aux conséquences juridiques d’un tel manquement. L’absence totale de commencement de preuve conduit inévitablement à la constatation du manquement aux dispositions législatives, justifiant ainsi la sévérité de la solution retenue par les juges.

II. L’application d’une sanction d’inéligibilité au titre de la loi organique

A. La qualification de manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 prévoit qu’en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement, le juge peut déclarer inéligible le candidat dont le compte est rejeté. L’absence de compte bancaire est systématiquement regardée comme une irrégularité majeure car elle prive l’autorité de contrôle de tout moyen de vérification efficace sur l’origine des fonds. Le Conseil constitutionnel estime que ce défaut de transparence constitue une méconnaissance substantielle des règles de financement électoral malgré l’absence manifeste d’une volonté de fraude clairement identifiée. Le rejet du compte à bon droit par l’autorité administrative compétente ouvre alors la possibilité pour le juge de prononcer une sanction sévère affectant le droit de candidature. La jurisprudence constante confirme que l’omission de cette obligation formelle entache la sincérité du compte et justifie une mesure de protection de la probité de la vie publique.

B. La détermination de la durée et des effets de l’inéligibilité

Le juge a prononcé « l’inéligibilité [de la candidate] à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision » juridictionnelle rendue par les membres du Conseil. Cette durée d’un an correspond à une application proportionnée de la loi organique qui permet pourtant d’atteindre une période maximale de trois années de privation du droit d’éligibilité. La sanction prend effet dès la publication de la décision au Journal officiel de la République française conformément aux modalités habituelles de notification des arrêts rendus par la juridiction. Cette mesure administrative et juridictionnelle interdit à l’intéressée de se présenter à toute élection durant l’année suivant le prononcé de la sentence par les membres du Conseil. La décision n° 2023-6264 AN illustre ainsi la vigilance du Conseil constitutionnel quant au respect des règles de financement qui garantissent l’égalité entre les candidats devant le suffrage.

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Hassan KOHEN
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