Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6271 AN du 26 avril 2024

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 26 avril 2024, une décision portant sur le contentieux électoral relatif au financement de la campagne d’une candidate. Cette dernière, ayant franchi le seuil de 1 % des suffrages exprimés, n’a pas déposé de compte de campagne à l’issue du scrutin législatif. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel afin de statuer sur une éventuelle déclaration d’inéligibilité. L’intéressée a justifié son retard par les difficultés matérielles rencontrées pour ouvrir un compte bancaire, malgré l’intervention de la Banque de France. La question posée au juge consistait à savoir si ce défaut de dépôt constituait un manquement d’une particulière gravité au sens du code électoral. Le Conseil constitutionnel a estimé que les circonstances administratives et l’absence de flux financiers personnels écartaient toute sanction d’inéligibilité à l’encontre de la candidate. La solution repose sur une analyse de la rigueur des obligations comptables avant d’examiner les obstacles ayant empêché le respect des délais légaux.

I. La rigueur relative de l’obligation comptable électorale

A. L’exigence légale de dépôt du compte de campagne L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages d’établir et de déposer un compte de campagne. Ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». Le juge rappelle ici la portée de cette obligation qui garantit la transparence du financement politique et l’égalité effective entre les candidats. Le dépôt doit intervenir « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » sous peine de poursuites. Dans cette espèce, la candidate était légalement tenue à cette formalité mais n’a produit aucun document comptable dans le temps imparti par la loi.

B. La modulation de la sanction d’inéligibilité En vertu de l’article L.O. 136-1, le Conseil peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté les conditions de dépôt de son compte de campagne. Cette sanction sévère est toutefois réservée aux cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». Le juge constitutionnel exerce ainsi un contrôle proportionné en vérifiant si le défaut de transmission résulte d’une intention malveillante ou d’une négligence. La seule constatation d’une omission ne suffit plus mécaniquement à écarter un citoyen de la vie publique sans un examen approfondi du contexte. L’analyse se déplace alors vers la recherche de facteurs atténuants liés aux difficultés pratiques rencontrées par le mandataire financier durant la période.

II. La reconnaissance des obstacles extérieurs insurmontables

A. L’incidence du droit au compte bancaire sur le calendrier La décision souligne que la candidate n’a pu obtenir l’ouverture d’un compte qu’après l’intervention de la Banque de France au titre de la procédure spécifique. L’intéressée a produit des pièces justifiant qu’elle « n’a pu procéder à l’ouverture d’un compte bancaire que le 27 février 2023 ». Ce retard administratif est jugé extérieur à la volonté de la requérante, ce qui amoindrit considérablement sa responsabilité dans le non-respect du délai. Le juge constitutionnel admet ainsi que les contraintes du système bancaire peuvent constituer un motif légitime de retard s’ils sont prouvés par le candidat. Cette bienveillance jurisprudentielle protège le droit de se porter candidat face à des exigences techniques parfois impossibles à satisfaire dans l’urgence.

B. L’innocuité du manquement sur la transparence financière Le Conseil constitutionnel relève enfin que l’absence de compte n’a pas masqué de mouvements financiers occultes susceptibles d’altérer la sincérité du scrutin législatif. Les relevés bancaires produits ultérieurement démontrent que la candidate « n’a perçu aucune recette et n’a engagé aucune dépense » en dehors de celles prises en charge. L’inexistence de flux monétaires directs réduit le manquement à une simple erreur formelle dépourvue de conséquences réelles sur l’équilibre de la compétition. Le juge en conclut que le manquement commis ne justifie pas le prononcé d’une inéligibilité en application des dispositions rigoureuses du droit positif. La décision maintient ainsi un équilibre entre la surveillance des finances électorales et la protection du mandat contre des sanctions qui seraient disproportionnées.

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Hassan KOHEN
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