Le Conseil constitutionnel a rendu, le 26 avril 2024, une décision relative au contrôle des comptes de campagne lors des élections législatives d’avril 2023. Un candidat à cette élection a omis d’ouvrir un compte bancaire spécifique par l’intermédiaire de son mandataire financier. La commission de contrôle a rejeté son compte le 18 septembre 2023 au motif que cette absence constituait une violation du code électoral.
L’autorité de régulation a saisi le juge constitutionnel le 27 septembre 2023 afin de statuer sur l’éligibilité de l’intéressé. Le candidat invoquait des refus bancaires successifs l’ayant empêché de se conformer à ses obligations légales en temps utile. Il soutenait également ne plus être en mesure de solliciter l’institution compétente pour exercer son droit au compte.
La question posée au juge porte sur la validité du rejet d’un compte de campagne dépourvu de compte bancaire dédié malgré des obstacles pratiques réels. Le Conseil constitutionnel confirme le rejet et prononce une inéligibilité de trois ans en raison du caractère substantiel des manquements. La rigueur de l’obligation de détention d’un compte dédié précède alors l’étude de la sanction proportionnée infligée au candidat négligent.
I. La rigueur de l’obligation de détention d’un compte bancaire dédié
A. Le caractère impératif de l’intermédiation bancaire
L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier l’ouverture d’un « compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle garantit la transparence absolue des flux monétaires engagés pendant la période électorale par les candidats. En l’espèce, le candidat n’a produit aucun relevé bancaire puisque son mandataire n’avait ouvert aucun compte conforme aux exigences législatives. Le juge constitutionnel relève que « ces circonstances sont établies » et valide ainsi le rejet du compte initialement prononcé par la commission. La gestion financière doit impérativement transiter par ce compte unique pour permettre un contrôle efficace des plafonds de dépenses électorales.
B. L’inefficacité des justifications tirées des difficultés matérielles
Le candidat justifiait son omission par les refus opposés par certains établissements bancaires sollicités pour l’ouverture du compte. Il arguait de l’impossibilité de saisir l’institution compétente pour exercer son droit au compte avant la clôture du scrutin électoral. Le Conseil constitutionnel écarte cet argument en précisant que cette difficulté « n’est pas de nature à faire obstacle à l’application des dispositions ». La responsabilité du candidat demeure entière car il lui appartient d’anticiper ces démarches administratives indispensables au respect de la légalité. Cette sévérité jurisprudentielle souligne que les aléas bancaires ne sauraient dispenser le postulant de ses obligations comptables fondamentales.
II. La sanction proportionnée d’un manquement substantiel aux règles de financement
A. Le cumul d’irrégularités révélant une négligence grave
Le rejet du compte ne se fondait pas uniquement sur l’absence de compte bancaire mais aussi sur l’absence de pièces justificatives. Le candidat n’a fourni aucun document probant concernant une dépense spécifique figurant pourtant en annexe de son document comptable. L’article L. 52-12 exige que le compte soit présenté par un expert-comptable qui « s’assure de la présence des pièces justificatives requises ». Le juge constitutionnel souligne ici l’importance de la force probante des documents remis à l’autorité de contrôle administrative. Cette double carence démontre une méconnaissance profonde des mécanismes de transparence financière qui régissent les consultations électorales nationales.
B. Le prononcé d’une inéligibilité triennale nécessaire
Le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte a été rejeté à bon droit par l’autorité de contrôle. Cette sanction intervient en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales » selon le code électoral. Le juge considère que le cumul des fautes commises par l’intéressé présente un caractère substantiel justifiant une mesure d’éloignement de la vie politique. Il prononce ainsi une inéligibilité de trois ans à compter de la date de notification de sa décision souveraine. Cette décision réaffirme la primauté des principes de probité et de sincérité financière sur les ambitions électorales individuelles.