Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-854 DC du 28 juillet 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 28 juillet 2023, une décision importante concernant la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030. Cette prononciation fait suite à une saisine parlementaire critiquant la régularité de la procédure d’adoption de plusieurs articles au regard du droit d’amendement. Les requérants soutenaient que certaines dispositions ne présentaient aucun lien avec le projet de loi initialement déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Ils contestaient également l’irrecevabilité opposée à certains de leurs amendements, y voyant une atteinte manifeste à la clarté et à la sincérité du débat législatif. La question posée au juge portait sur le respect des conditions de recevabilité des amendements imposées par l’article 45 de la Constitution française. Le Conseil constitutionnel censure de nombreux articles qualifiés de cavaliers législatifs tout en validant la procédure d’adoption d’une disposition relative aux pensions militaires.

I. La sanction rigoureuse des cavaliers législatifs

A. L’application stricte du critère du lien indirect

Le juge constitutionnel rappelle que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ». Cette règle, issue de la révision constitutionnelle de 2008, vise à éviter l’introduction de dispositions étrangères à l’objet initial du projet de loi examiné. En l’espèce, le Conseil examine si les articles contestés se rattachent aux objectifs de la politique de défense ou à la programmation financière du texte. Il constate que l’article 17, modifiant le code général de la propriété des personnes publiques, est dépourvu de tout lien avec les dispositions du projet initial. Cette absence de relation, même ténue, avec les thématiques de recrutement ou de réquisitions militaires justifie une déclaration immédiate d’inconstitutionnalité pour des raisons purement procédurales.

B. L’extension du contrôle procédural à l’ensemble du texte

Le Conseil constitutionnel ne limite pas son examen aux seuls articles critiqués par les députés mais étend d’office son contrôle à d’autres dispositions de la loi. Il identifie ainsi plusieurs articles, tels que les mesures relatives aux brevets ou à l’épargne réglementée, qui constituent des ajouts irréguliers au texte législatif. Concernant ces articles, il affirme que « adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires », sans toutefois préjuger du fond de leur contenu. Cette démarche protectrice garantit la cohérence du travail parlementaire en écartant les mesures introduites tardivement sans rapport avec le périmètre initial de la loi. La sanction systématique des cavaliers législatifs renforce ainsi la discipline législative et prévient les tentatives de contournement des règles normales du débat démocratique.

II. La protection mesurée de la sincérité des débats

A. La validation du processus malgré des erreurs d’irrecevabilité

Les requérants dénonçaient l’irrecevabilité injustifiée d’amendements par la présidence de l’Assemblée nationale, y voyant un obstacle à l’exercice effectif de leur droit de proposition. Le Conseil constitutionnel juge toutefois que cette circonstance est « insusceptible d’avoir porté une atteinte substantielle à la clarté et à la sincérité du débat parlementaire » en l’espèce. Le juge estime que l’erreur éventuelle de la présidence de l’assemblée n’a pas vicié l’ensemble de la procédure législative au point d’entraîner une censure totale. La validité de l’article 22 est donc maintenue puisque les conditions générales du débat ont permis une expression suffisante des différentes positions des membres du Parlement. Cette solution consacre une approche pragmatique où seules les irrégularités graves et déterminantes peuvent conduire à l’annulation d’une disposition régulièrement adoptée par la suite.

B. L’affirmation du cadre constitutionnel du droit d’amendement

La décision souligne que le droit d’amendement doit pouvoir s’exercer pleinement au cours de la première lecture par chacune des deux assemblées du Parlement national. Ce droit ne peut être limité que par les règles de recevabilité financière ou par l’exigence d’un lien suffisant avec le projet ou la proposition. Le Conseil constitutionnel veille à ce que les prérogatives parlementaires ne soient pas entravées par des décisions administratives internes aux assemblées qui seraient excessivement restrictives. Il rappelle l’importance des exigences de clarté et de sincérité du débat législatif, lesquelles découlent directement de la souveraineté nationale définie par la Constitution. Cette protection assure que la loi demeure l’expression de la volonté générale tout en respectant les équilibres institutionnels nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie.

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Hassan KOHEN
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