Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 16 novembre 2023, a statué sur la conformité de la loi d’orientation et de programmation pour la justice. Des députés ont déféré ce texte afin de contester tant la régularité de la procédure législative que la constitutionnalité de fond de certains articles. Les griefs portaient notamment sur l’extension des perquisitions nocturnes, le recours à la télémédecine en garde à vue et l’activation à distance d’appareils électroniques. Les requérants dénonçaient également des atteintes au droit au respect de la vie privée ainsi qu’à l’inviolabilité du domicile et aux droits de la défense. Le juge devait déterminer si ces mesures assuraient une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d’infractions et la sauvegarde des libertés individuelles. La juridiction a validé la majorité des dispositions tout en censurant les mesures de captation sonore et visuelle jugées trop intrusives pour la vie privée. L’analyse portera d’abord sur l’optimisation des procédures judiciaires avant d’examiner la protection rigoureuse des libertés fondamentales face aux nouvelles technologies d’enquête.
I. L’optimisation des procédures judiciaires sous le contrôle vigilant de l’autorité constitutionnelle
L’article 6 de la loi instaure de nouvelles prérogatives afin d’accroître l’efficacité des enquêtes de flagrance tout en modernisant le fonctionnement quotidien de l’institution judiciaire.
A. L’encadrement rigoureux des techniques d’enquête attentatoires à la vie privée
Le nouvel article 59-1 du code de procédure pénale permet désormais de réaliser des perquisitions nocturnes pour certains crimes graves contre les personnes. Cette mesure exceptionnelle doit être justifiée par la nécessité de prévenir un « risque imminent d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique » des victimes. Le Conseil constitutionnel valide ce dispositif sous réserve que l’autorisation émane systématiquement d’un magistrat indépendant et que l’urgence soit précisément caractérisée par les faits. Le juge précise que le risque de disparition des preuves ne permet d’agir la nuit que si l’opération ne peut être réalisée durant la journée. Cette interprétation stricte garantit que l’inviolabilité du domicile demeure la règle et que l’exception ne s’applique qu’aux situations criminelles les plus impérieuses.
B. La rationalisation de l’organisation judiciaire et des mécanismes de programmation budgétaire
L’article 2 autorise le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à la réécriture de la partie législative du code de procédure pénale à droit constant. Le législateur a défini les finalités de cette habilitation avec une précision suffisante pour respecter les exigences de l’article 38 de la Constitution française. Les « adaptations terminologiques utiles » autorisées doivent se borner à des modifications purement rédactionnelles sans modifier le fond des règles relatives à la présomption d’innocence. Par ailleurs, la programmation des moyens financiers pour la période allant de 2023 à 2027 est jugée conforme aux exigences de sincérité du débat parlementaire. L’approbation du rapport annexé se limite à déterminer les objectifs de l’action de l’État sans méconnaître les prérogatives budgétaires annuelles du Parlement.
II. La protection effective des libertés fondamentales face aux velléités d’extension du pouvoir répressif
Si le juge constitutionnel accompagne la modernisation technologique, il oppose une barrière infranchissable aux dispositifs de surveillance dont l’intrusion dans l’intimité paraît disproportionnée.
A. La censure de l’activation technologique intrusive au nom de la proportionnalité
Le législateur souhaitait permettre l’activation à distance d’appareils électroniques pour procéder à la sonorisation et à la captation d’images dans le cadre de la criminalité organisée. Le Conseil censure cette mesure car elle constitue une « atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée » en raison de son caractère invisible. La possibilité d’enregistrer des paroles et des images dans tout lieu privé, y compris le domicile, sans accès physique préalable, excède les nécessités de l’enquête. Cette technique de captation totale ne saurait s’appliquer à l’ensemble des infractions relevant de la délinquance organisée sans rompre l’équilibre entre sécurité et liberté. En revanche, l’activation à distance aux seules fins de géolocalisation en temps réel est maintenue car elle s’avère moins préjudiciable aux garanties constitutionnelles.
B. La sanction procédurale des dispositions étrangères au périmètre du débat parlementaire initial
Le juge constitutionnel veille scrupuleusement au respect de l’article 45 de la Constitution en écartant les dispositions dépourvues de « lien, même indirect, avec le texte déposé ». Plusieurs articles relatifs au fichier des antécédents judiciaires ou à la convention judiciaire d’intérêt public environnementale sont ainsi déclarés contraires à la Constitution. Ces cavaliers législatifs ont été introduits en première lecture sans présenter de rapport suffisant avec les thématiques abordées dans le projet de loi initial. Cette rigueur procédurale assure la clarté et la sincérité des débats parlementaires en évitant l’adoption de mesures disparates sans examen approfondi par les assemblées. La protection de la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise subit le même sort pour des motifs exclusivement liés à la régularité de l’adoption.