Le Conseil constitutionnel a rendu, le 26 septembre 2024, une décision n° 2024-1104 QPC relative à l’organisation de l’ordre des avocats aux conseils. Cette affaire traite de la responsabilité civile professionnelle des officiers ministériels exerçant devant les plus hautes juridictions nationales. Un requérant a contesté la validité constitutionnelle de l’article 13 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 devant les magistrats de la Cour de cassation. Le plaideur reprochait au texte de subordonner son action indemnitaire à l’avis préalable du conseil de l’ordre dont dépend le professionnel mis en cause. Il dénonçait en outre l’existence d’un privilège de juridiction imposant de porter le litige devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Ces règles porteraient atteinte au droit d’accès à la justice ainsi qu’au principe fondamental de dualité des ordres de juridiction administrative et judiciaire. La Cour de cassation a transmis la question prioritaire de constitutionnalité après avoir examiné le caractère sérieux des griefs soulevés lors de l’instance. Le litige soulève la question de la compétence du Conseil constitutionnel pour examiner une disposition insérée dans une ordonnance mais issue d’un décret. La juridiction estime que le texte contesté possède une nature purement réglementaire et ne peut donc faire l’objet d’un contrôle de conformité. Les juges décident qu’il n’y a pas lieu de statuer sur cette question faute de caractère législatif de la disposition renvoyée par le juge. L’analyse de la qualification juridique de la norme attaquée précédera celle des conséquences de l’incompétence du juge constitutionnel sur l’issue du litige.
**I. La stricte exigence du caractère législatif de la disposition contestée**
L’examen de la constitutionnalité d’une norme par la voie de la question prioritaire suppose que cette dernière possède une nature strictement législative. Le juge constitutionnel vérifie systématiquement l’origine de la disposition attaquée pour s’assurer de sa propre compétence d’attribution.
**A. L’identification de la nature réglementaire du texte attaqué**
Le texte critiqué figure dans une ordonnance très ancienne dont certaines parties ont été modifiées par des actes de nature diverse. Le Conseil relève que « les dispositions du deuxième alinéa de l’article 13 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 sont issues du décret du 11 janvier 2002 ». Cette précision historique permet de distinguer la forme apparente du texte de sa réalité juridique matérielle. Bien que logées dans un texte législatif par extension, ces règles procèdent en réalité d’un pouvoir réglementaire exercé par le gouvernement. La juridiction souligne que les dispositions « ne revêtent donc pas le caractère d’une disposition législative au sens de l’article 61-1 de la Constitution ». Cette analyse rigoureuse empêche toute confusion entre les compétences du législateur et celles dévolues au pouvoir exécutif.
**B. L’incompétence d’attribution du juge constitutionnel face au pouvoir exécutif**
L’article 61-1 limite le contrôle de constitutionnalité aux seules lois ou dispositions de nature équivalente susceptibles de porter atteinte aux droits garantis. Le juge rappelle que « le Conseil constitutionnel ne peut être saisi dans les conditions prévues par cet article que de dispositions de nature législative ». Cette exigence textuelle constitue un verrou procédural interdisant au Conseil de censurer des actes administratifs ou des décrets ministériels. Le requérant invoquait pourtant des griefs sérieux relatifs au droit à un recours effectif et au principe de dualité des juridictions. La nature réglementaire de la norme fait obstacle à l’examen au fond de ces critiques par le juge de la rue de Montpensier. La séparation des pouvoirs impose cette retenue juridictionnelle afin de ne pas empiéter sur le domaine réservé au juge administratif.
**II. L’absence de contrôle au fond et la pérennité du régime de responsabilité**
L’absence de caractère législatif de la disposition renvoyée interdit au Conseil constitutionnel de se prononcer sur les griefs soulevés par le requérant. Cette décision de rejet purement procédurale laisse subsister le régime juridique applicable à la responsabilité civile des avocats aux conseils.
**A. Le prononcé inévitable d’un non-lieu à statuer sur les griefs soulevés**
La conséquence directe de la nature réglementaire du texte est l’impossibilité pour le juge constitutionnel d’exercer son contrôle de conformité habituel. La décision énonce par conséquent qu’il « n’y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la conformité de ces dispositions ». Ce non-lieu à statuer met fin à l’instance sans valider ni infirmer les règles de procédure critiquées par le plaideur. Le juge rejette également les demandes accessoires visant à faire procéder à divers signalements ou auditions non prévus par ses attributions. Le respect strict des compétences constitutionnelles garantit la sécurité juridique en évitant toute extension indue du contrôle de constitutionnalité. Cette solution illustre la fonction de filtre exercée par le Conseil sur les questions transmises par les juridictions suprêmes.
**B. Le maintien des règles spécifiques de juridiction pour les avocats aux conseils**
Le maintien en vigueur du privilège de juridiction devant les cours suprêmes résulte de l’échec de cette tentative de contestation constitutionnelle. Le Conseil d’État et la Cour de cassation demeurent compétents pour juger les actions en responsabilité civile engagées contre les avocats aux conseils. Le requérant soutenait que l’absence de codification et le maintien de dispositions anciennes méconnaissaient le principe d’accessibilité de la loi. Le juge ne peut toutefois examiner ces arguments puisque le support normatif n’est pas de son ressort constitutionnel immédiat. Les avocats aux conseils conservent ainsi leur régime spécifique de responsabilité, marqué par l’avis obligatoire de leur ordre professionnel. La décision confirme la stabilité des règles organisant les professions réglementées tant qu’une véritable loi ne vient pas les modifier.