Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2024-1115 QPC du 13 décembre 2024, a statué sur la conformité de l’article 154 quinquies du code général des impôts. Le litige trouve son origine dans le refus d’une déduction intégrale de la contribution sociale généralisée sur des plus-values mobilières bénéficiant d’un régime de faveur. Le Conseil d’État a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité le 9 octobre 2024, à la suite des griefs soulevés par un requérant individuel. Celui-ci dénonçait une discrimination injustifiée entre les bénéficiaires d’abattements de droit commun et ceux profitant d’un mécanisme fiscal renforcé. La juridiction devait décider si le plafonnement de cette déductibilité portait atteinte aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques. Les sages ont déclaré les dispositions conformes, estimant que le législateur a fondé son choix sur des critères parfaitement objectifs et rationnels. L’étude de cette décision portera d’abord sur la légitimation de la différence de situation, puis sur le respect de l’équilibre des facultés contributives.
I. La légitimation constitutionnelle d’une différence de traitement fiscal
A. L’identification de situations juridiques non comparables
Le juge constitutionnel relève que l’abattement renforcé concerne spécifiquement les cessions de titres de petites entreprises créées depuis moins de dix ans. Ce régime dérogatoire permet une réduction de l’assiette taxable pouvant atteindre quatre-vingt-cinq pour cent après une détention de huit années. À l’inverse, l’abattement de droit commun s’applique à l’ensemble des titres mobiliers mais plafonne la réduction de la base imposable à soixante-cinq pour cent. Le Conseil estime que ces deux dispositifs n’ouvrent pas droit aux mêmes avantages et possèdent des champs d’application nettement distincts. Il en conclut que les contribuables placés sous ces différents régimes ne se trouvent pas dans une situation identique au regard de l’impôt. Cette distinction fondamentale interdit ainsi de conclure à une méconnaissance du principe d’égalité, puisque le législateur traite différemment des situations elles-mêmes différentes.
B. La licéité du but poursuivi par le plafonnement de la déduction
L’exclusion du cumul d’avantages fiscaux excessifs constitue un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi de finances. Le législateur a entendu instaurer un mécanisme de pondération pour les plus-values ayant déjà bénéficié de réductions d’assiette particulièrement importantes. La déductibilité de la contribution est ainsi limitée « à hauteur du rapport entre le montant du revenu soumis à l’impôt sur le revenu et le montant de ce même revenu soumis à la contribution ». Cette mesure prévient l’érosion excessive de la base imposable qui résulterait de l’addition d’un abattement massif et d’une déduction sociale intégrale. Le Conseil valide ce choix politique en soulignant que la différence de traitement repose sur une base objective liée à l’avantage initial reçu. Cette étape de l’analyse confirme que la structure de l’impôt peut valablement varier afin de préserver la cohérence du système socio-fiscal global.
II. Une appréciation rigoureuse de la conformité aux charges publiques
A. Le caractère rationnel du critère de pondération fiscale
Pour assurer le respect de l’article 13 de la Déclaration de 1789, le législateur doit utiliser des méthodes d’évaluation dénuées d’arbitraire. Le Conseil constitutionnel juge que le calcul proportionnel retenu par les dispositions contestées répond parfaitement à cette exigence de rationalité juridique. Ce mécanisme tient compte de la part réelle du revenu effectivement soumise au barème progressif après application des abattements légaux. Le juge précise que le décalage temporel entre l’imposition de la plus-value et la déduction de la contribution reste sans incidence sur cette validité. Les critères choisis permettent ainsi d’ajuster la charge fiscale de manière précise en fonction de l’avantage réellement perçu par le contribuable. Le plafonnement n’apparaît donc pas comme une mesure punitive, mais comme une modalité technique de calcul visant à refléter la capacité contributive réelle.
B. L’absence d’atteinte caractérisée aux facultés contributives
Le Conseil constitutionnel vérifie enfin que la charge fiscale totale imposée aux contribuables ne présente pas un caractère manifestement excessif ou confiscatoire. Il souligne que les dispositions contestées ne remettent nullement en cause le caractère progressif de l’imposition globale des revenus des personnes physiques. Le plafonnement de la déductibilité pour les seuls bénéficiaires de « l’abattement prévu au 1 quater de l’article 150-0 D » ne crée aucun effet de bord inconstitutionnel. Les juges considèrent que la contribution commune demeure équitablement répartie sans peser de manière disproportionnée sur une catégorie spécifique de citoyens. La décision confirme ainsi que le législateur dispose d’une marge de manœuvre suffisante pour moduler les incitations fiscales sans rompre l’égalité. Par conséquent, les mots contestés par le requérant sont déclarés conformes à la Constitution au regard de l’ensemble des principes invoqués lors de l’audience.