Le Conseil constitutionnel, par une décision du 24 janvier 2025, s’est prononcé sur la conformité de dispositions législatives régissant le recrutement des agents publics contractuels. L’affaire concernait un individu frappé d’une interdiction de recrutement suite au non-respect des procédures de contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Le Conseil d’État a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité le 25 octobre 2024, par une décision portant le numéro 494061. Le requérant soutenait que l’automaticité de la sanction méconnaissait le principe d’individualisation des peines garanti par la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Le juge constitutionnel devait déterminer si une interdiction de trois ans, s’appliquant sans appréciation des faits par l’administration, respectait les exigences de l’article 8. L’examen de cette mesure punitive conduit à déclarer son inconstitutionnalité tout en organisant un régime transitoire permettant à l’administration de moduler les sanctions à venir.
I. L’affirmation du caractère répressif de l’interdiction de recrutement
A. L’assimilation de la mesure administrative à une punition
Le Conseil constitutionnel rappelle que les principes de nécessité et de proportionnalité s’appliquent dès lors qu’une mesure administrative présente le caractère d’une punition. Il observe que l’interdiction de recrutement s’appliquant au manquement d’un agent public « constitue une sanction ayant le caractère d’une punition » soumise au contrôle juridictionnel. L’article 8 de la Déclaration de 1789 impose ainsi que la loi ne puisse établir que des peines strictement et évidemment nécessaires au maintien de l’ordre.
B. La violation du principe d’individualisation des peines
La censure repose sur le constat que le législateur a fixé une durée d’interdiction rigide sans permettre au juge ou à l’administration d’adapter la décision. Le texte prévoit que « cette sanction s’applique automatiquement, sans que l’administration ne la prononce en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce » rencontrée en pratique. Cette absence totale de marge d’appréciation prive l’intéressé d’une garantie fondamentale contre le prononcé de sanctions disproportionnées au regard de la gravité réelle de sa faute.
II. L’aménagement transitoire des effets de la censure constitutionnelle
A. Le report de l’abrogation pour préserver l’intérêt général
Le juge décide de différer la date d’abrogation des dispositions contraires à la Constitution jusqu’au 31 janvier 2026 afin de laisser le temps au législateur. L’annulation immédiate de ces articles « entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives » en privant momentanément l’administration de tout pouvoir de sanction contre les agents contractuels. Ce report technique assure la continuité de la vigilance éthique tout en exigeant une modification législative conforme aux principes dégagés par la décision de janvier.
B. Le pouvoir de modulation immédiat confié à l’autorité administrative
Afin de protéger les droits des justiciables durant la période intermédiaire, le Conseil constitutionnel introduit une réserve d’interprétation obligeant l’administration à individualiser ses décisions. Désormais, « l’administration peut écarter la sanction prévue par ces dispositions ou en moduler la durée pour tenir compte des circonstances propres à chaque espèce » examinée. Cette solution pragmatique permet de concilier l’impératif de moralisation de la vie publique avec le respect strict des droits individuels garantis par le bloc de constitutionnalité.