Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-1126 QPC du 5 mars 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 mars 2025, une décision relative à la conformité du second alinéa de l’article L. 411-2-1 du code de l’environnement. Ces dispositions, issues de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, permettent de reconnaître un intérêt public majeur dès l’édiction d’un décret. Plusieurs associations ont saisi le Conseil d’État, lequel a renvoyé cette question prioritaire de constitutionnalité par une décision en date du 9 décembre 2024. Les requérants soutenaient que ce dispositif portait atteinte au droit à un recours effectif et aux exigences de la Charte de l’environnement. La question posée aux juges consistait à déterminer si l’impossibilité de contester cet intérêt lors de la délivrance ultérieure d’une dérogation méconnaissait la Constitution. Les sages ont déclaré les dispositions conformes, estimant que la restriction poursuit un objectif d’intérêt général sans priver les justiciables de garanties suffisantes. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’aménagement des voies de recours avant d’examiner le maintien de l’équilibre entre développement industriel et protection écologique.

I. L’encadrement procédural de la reconnaissance de l’intérêt public majeur

A. Une concentration des voies de recours justifiée par la sécurité juridique

Le législateur a entendu limiter les recours successifs pour favoriser l’aboutissement de projets majeurs nécessaires à la transition écologique ou à la souveraineté nationale. Cette orientation politique vise à « réduire l’incertitude juridique pesant sur certains projets industriels » en fixant précocement un élément essentiel de la décision administrative. La loi prévoit que la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur est désormais divisible du décret qualifiant le projet d’intérêt national. Dès lors, cette qualification ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours dirigé contre l’acte initial, interdisant ainsi toute exception d’illégalité ultérieure. Le Conseil constitutionnel valide cette restriction en soulignant qu’elle s’applique uniquement à des projets industriels d’une importance particulière pour l’intérêt général.

B. Le maintien d’un contrôle juridictionnel effectif sur l’acte initial

L’article 16 de la Déclaration de 1789 impose que le droit des personnes intéressées d’exercer un recours devant une juridiction ne subisse aucune atteinte substantielle. Les juges considèrent que la mesure contestée « ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif » dans la présente espèce. Le recours direct contre le décret qualifiant le projet demeure ouvert à toute personne justifiant d’un intérêt à agir contre cette décision administrative. En outre, la possibilité de solliciter l’abrogation de l’acte devenu illégal suite à un changement de circonstances préserve la faculté de contestation des tiers. Cette architecture juridique garantit que la légalité de la reconnaissance de l’intérêt public majeur reste soumise à la vérification d’un juge indépendant. Si la procédure est ainsi simplifiée au profit de l’administration, le fond du droit environnemental demeure protégé par des exigences de fond substantielles.

II. La préservation des exigences constitutionnelles liées à l’environnement

A. L’absence d’altération des conditions de fond de la dérogation environnementale

Les articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement consacrent le droit à un environnement équilibré et le devoir de préservation de la nature. Le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur « ne saurait priver de garanties légales » le droit de vivre dans un milieu respectueux de la santé. Les dispositions critiquées se bornent à modifier le calendrier de la reconnaissance de l’intérêt public sans supprimer les critères de fond de la dérogation. L’autorité administrative conserve l’obligation d’apprécier la nature du projet industriel au regard des intérêts protégés par le code de l’environnement et sa réglementation. Le juge administratif exerce toujours un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur l’existence réelle d’une raison impérative justifiant l’atteinte aux espèces protégées.

B. La permanence des garanties légales attachées à la protection des espèces

La délivrance d’une dérogation à l’interdiction d’atteinte aux espèces protégées reste conditionnée par trois critères cumulatifs dont seul le premier est anticipé. L’administration doit s’assurer qu’il n’existe aucune autre solution satisfaisante et que l’opération ne nuit pas au maintien des populations dans un état favorable. La décision précise que l’autorité compétente demeure tenue de vérifier ces conditions lors de l’octroi de l’acte autorisant effectivement les travaux sur le site. Les griefs tirés de l’incompétence négative et de la méconnaissance du principe de participation du public sont ainsi écartés faute de fondement juridique sérieux. Le Conseil constitutionnel confirme donc que le dispositif de l’industrie verte respecte l’ensemble des droits et libertés que la Constitution garantit aux citoyens.

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Hassan KOHEN
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