Le Conseil constitutionnel a rendu, par sa décision n° 2024-4 RIP du 11 avril 2024, une solution relative à une proposition de loi réformant l’accès aux prestations sociales.
Cette initiative législative, déposée par des membres du Parlement, soulevait la question complexe de la conciliation entre la souveraineté populaire et le respect des droits fondamentaux. Les auteurs du texte souhaitaient instaurer des conditions de résidence minimale pour le bénéfice de diverses aides comme le logement, les prestations familiales ou l’allocation d’autonomie. Saisi en application de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, le juge devait vérifier la conformité du dispositif aux exigences de l’article 11 de la Constitution. Le Conseil devait notamment déterminer si la fixation d’une durée de résidence de cinq ans pour l’accès aux prestations sociales méconnaissait les principes de solidarité nationale. Il a considéré que la proposition portait bien sur une réforme sociale, mais que les restrictions imposées portaient une atteinte disproportionnée aux garanties constitutionnelles de protection. L’étude portera d’abord sur la validation de l’objet de la proposition au regard des critères référendaires, avant d’analyser la sanction de la condition de résidence jugée excessive.
I. L’admission formelle de la réforme relative à la politique sociale de la Nation
A. La reconnaissance de l’objet référendaire
Le juge constitutionnel vérifie que l’initiative porte sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation. En l’espèce, le texte modifiait substantiellement les dispositifs de prestations sociales, d’aide à la mobilité et d’hébergement susceptibles de bénéficier à des ressortissants étrangers résidant en France. Le Conseil affirme alors qu’elle « porte, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique sociale de la nation » sans ambiguïté. Cette qualification juridique permet de rattacher la proposition au champ matériel autorisé pour le référendum d’initiative partagée, validant ainsi la première étape du contrôle juridictionnel.
B. Le respect des conditions de recevabilité organique
Outre l’objet, le Conseil s’assure que la proposition est soutenue par un cinquième des membres du Parlement et ne tend pas à abroger une loi récente. Le juge relève que les seuils numériques sont atteints et qu’aucune proposition de référendum identique n’a été soumise au corps électoral durant les deux dernières années. L’absence d’abrogation d’une disposition promulguée depuis moins d’un an confirme la régularité de la procédure au regard des délais constitutionnels impératifs fixés par les textes. Toutefois, la validité formelle de l’initiative ne préjuge pas de sa conformité matérielle aux principes supérieurs garantis par le bloc de constitutionnalité et le Préambule de 1946.
II. L’invalidation matérielle de la condition de résidence disproportionnée
A. La protection constitutionnelle des droits sociaux fondamentaux
Le Conseil rappelle les exigences du dixième alinéa du Préambule de 1946 selon lequel la Nation assure à la famille les conditions nécessaires à son développement constant. Il souligne que « tout être humain qui se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » nécessaires. Si le législateur peut prévoir des dispositions spécifiques pour les étrangers, il doit respecter les libertés fondamentales reconnues à toute personne résidant régulièrement sur le territoire. Le droit à la protection sociale découle directement de ces principes constitutionnels qui impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des déshérités.
B. La sanction de l’atteinte aux garanties de la solidarité nationale
L’article premier de la proposition subordonnait le bénéfice des prestations à une résidence d’au moins cinq ans ou à une activité professionnelle de trente mois consécutifs. Le Conseil juge que cette durée est « telle qu’elle prive de garanties légales ces exigences » constitutionnelles relatives à la protection de la santé et à la sécurité. Il en conclut que les dispositions litigieuses « portent une atteinte disproportionnée à ces exigences » et déclare par conséquent l’article contraire à la Constitution de la République. Cette censure globale entraîne l’échec de la proposition de loi référendaire puisque le Conseil ne peut valider un texte contenant une disposition manifestement contraire à la charte suprême.