Le Conseil constitutionnel a rendu, le 12 septembre 2024, une décision n° 2024-60 ELEC relative à la régularité de l’élection de la présidence d’une assemblée parlementaire. Cette espèce soulève la question fondamentale de l’étendue de la compétence matérielle du juge constitutionnel face aux actes internes des chambres législatives.
Une députée a saisi la juridiction afin d’obtenir l’annulation de l’élection de la présidente ainsi que des membres du bureau de l’Assemblée nationale. La requérante contestait la validité de ces nominations intervenues lors de l’ouverture de la législature consécutive au renouvellement général de la chambre basse.
La requête a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 1er août 2024 en vue de censurer la désignation des instances dirigeantes du Palais Bourbon. Le litige opposait ainsi une élue aux organes de direction de son assemblée au titre du contrôle de légalité des scrutins parlementaires.
Le Conseil constitutionnel devait déterminer s’il possédait la compétence d’attribution nécessaire pour statuer sur la validité des élections internes organisées par les membres du Parlement. La question portait sur la nature juridictionnelle ou purement politique de ces actes accomplis au sein de la représentation nationale.
Les juges rejettent la demande en soulignant que leur compétence est « strictement délimitée par la Constitution » et qu’aucune disposition ne permet de statuer sur une telle élection. L’analyse portera d’abord sur la délimitation rigoureuse des attributions du juge constitutionnel, avant d’aborder le respect nécessaire de l’autonomie interne des assemblées.
I. La délimitation rigoureuse des attributions du juge constitutionnel
A. Un principe de spécialité fondé sur le texte constitutionnel
Le Conseil rappelle d’emblée que sa compétence « n’est susceptible d’être précisée et complétée par voie de loi organique que dans le respect des principes constitutionnels ». Cette affirmation souligne le caractère d’exception de la juridiction constitutionnelle qui ne dispose d’aucune clause générale de compétence dans l’ordre juridique.
Les magistrats précisent qu’ils ne sauraient être appelés à se prononcer « dans d’autres cas que ceux qui sont expressément prévus par la Constitution ». Cette rigueur textuelle interdit toute extension jurisprudentielle de leurs pouvoirs, même lorsque la demande invoque la protection des principes démocratiques ou électoraux.
B. L’absence de base légale pour le contrôle des élections internes
La décision constate froidement qu’aucune disposition de la Constitution ou d’une loi organique « ne donne compétence au Conseil constitutionnel pour statuer sur une telle demande ». Le juge refuse ainsi d’assimiler l’élection du bureau d’une assemblée aux opérations électorales nationales dont il assure habituellement le contrôle.
Le rejet de la requête découle d’une application stricte de la légalité organique qui encadre les saisines électorales devant le juge du Palais-Royal. Cette incompétence manifeste protège l’institution contre une immixtion dans les processus de désignation propres au fonctionnement souverain de chaque chambre du Parlement.
II. Le respect de l’autonomie des assemblées et l’immunité des actes internes
A. L’exclusion des scrutins de bureau du contrôle juridictionnel
En refusant de statuer sur l’élection de la présidence, le juge consacre le caractère d’acte de gouvernement interne de cette procédure parlementaire. Les opérations de vote au sein du bureau échappent à toute censure extérieure car elles relèvent de l’organisation autonome du pouvoir législatif.
Cette solution préserve la séparation des pouvoirs en empêchant une autorité juridictionnelle de modifier la composition des instances dirigeantes élues par les députés eux-mêmes. L’acte contesté demeure un acte purement parlementaire dont la validité ne peut être débattue que devant les membres de l’assemblée concernée.
B. Une stabilité jurisprudentielle protectrice de la séparation des pouvoirs
La décision du 12 septembre 2024 confirme une ligne établie visant à limiter le contrôle du Conseil aux seules lois et élections nationales. Le juge refuse de devenir le régulateur des conflits politiques internes aux chambres afin de ne pas fragiliser leur indépendance vis-à-vis des autres pouvoirs.
L’immunité juridictionnelle accordée aux élections des membres du bureau garantit la fluidité des travaux législatifs contre les contestations systématiques des minorités parlementaires. Cette incompétence réaffirmée assure ainsi la pérennité du droit parlementaire en tant qu’ordre juridique spécifique et autonome au sein de la République.