Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6299 SEN du 30 mai 2024

Le juge constitutionnel a rendu, le 30 mai 2024, une décision sanctionnant les manquements comptables d’un candidat aux élections sénatoriales organisées en septembre 2023. Cette affaire porte sur le respect des obligations de financement électoral et les conditions dans lesquelles un candidat peut être déclaré inéligible à tout mandat. L’autorité administrative de contrôle a rejeté le compte de campagne de l’intéressé par une décision datée du 26 février 2024 pour absence de justificatifs probants. Elle a également relevé que le candidat avait procédé au règlement direct de l’intégralité de ses dépenses, en violation flagrante des dispositions du code électoral. L’autorité administrative a donc saisi le Conseil constitutionnel le 4 mars 2024 afin qu’il statue sur la validité du compte et sur l’inéligibilité éventuelle. Le candidat faisait valoir des obstacles bancaires majeurs ayant entravé le fonctionnement normal de son mandataire financier pour tenter de justifier ses carences documentaires. La question juridique centrale consistait à déterminer si le cumul de ces irrégularités financières présentait un caractère de gravité suffisant pour justifier une éviction électorale. Le Conseil constitutionnel confirme la décision de rejet et prononce une inéligibilité de trois ans en soulignant le caractère substantiel des obligations de transparence méconnues. La rigueur des obligations comptables imposées aux candidats précède l’examen de la sévérité de la sanction prononcée par le juge de l’élection pour garantir la probité.

I. La rigueur des obligations comptables imposées aux candidats

A. Le caractère impératif de la justification des flux financiers

Le juge constitutionnel rappelle que « chaque candidat » doit impérativement fournir les documents nécessaires pour « établir le montant des dépenses payées ou engagées » pour son compte. Cette obligation de transparence permet de vérifier précisément l’origine des fonds et la réalité des dépenses électorales engagées durant la période légale de la campagne. En l’espèce, le dossier transmis par le candidat ne comportait pas les justificatifs requis, empêchant ainsi tout contrôle effectif de la sincérité des déclarations financières. L’absence de preuves matérielles interdit à l’autorité de contrôle de s’assurer du respect du plafonnement des dépenses et de l’interdiction des financements par des personnes morales. Cette défaillance documentaire constitue un premier manquement sérieux aux principes de traçabilité qui régissent le financement de la vie politique dans un État de droit. La méconnaissance de ces règles de forme entache la validité du compte de campagne indépendamment de la bonne foi alléguée par le candidat lors de l’instruction.

B. L’appréciation souveraine du manquement d’une particulière gravité

Le règlement direct de dépenses par le candidat après la désignation d’un mandataire financier constitue une violation majeure des prescriptions impératives fixées par le code électoral. L’exception pour les menues dépenses n’est admise que si leur montant est « faible par rapport au total des dépenses » et négligeable au regard du plafond autorisé. Dans cette espèce, les paiements directs représentaient la totalité des charges déclarées, ce qui caractérise un manquement d’une gravité manifeste aux règles de financement électoral. Le juge souligne que le recours systématique aux fonds personnels sans transiter par le mandataire financier prive de toute portée la séparation obligatoire entre le candidat et sa comptabilité. Une telle pratique fait obstacle à la mission de vérification de l’autorité de contrôle et fragilise l’égalité devant le scrutin qui repose sur une transparence totale. La décision confirme ainsi que l’ampleur des sommes irrégulièrement acquittées justifie le rejet du compte, rendant alors nécessaire l’examen des conséquences juridiques pesant sur l’intéressé.

II. La sévérité du juge de l’élection face aux irrégularités financières

A. L’inefficacité des justifications fondées sur des obstacles matériels

Pour justifier ces irrégularités, le candidat invoquait des difficultés pour obtenir l’ouverture d’un compte bancaire et la mise à disposition de moyens de paiement électoraux. Le Conseil constitutionnel écarte fermement cet argument en soulignant qu’aucune circonstance particulière ne permettait de « justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-4 ». La diligence attendue d’un prétendant à la représentation nationale impose une anticipation rigoureuse des contraintes administratives et bancaires inhérentes à toute candidature dans un département. Le juge refuse ainsi de consacrer une excuse d’imprévision qui permettrait aux candidats de s’exonérer unilatéralement du respect des règles fondamentales de la comptabilité de campagne. Cette position classique réaffirme que la complexité des démarches financières ne saurait autoriser un contournement des mécanismes de contrôle destinés à prévenir la fraude ou l’opacité. L’absence de force majeure ou d’éléments extérieurs imprévisibles prive le candidat de toute possibilité de régularisation a posteriori de sa situation comptable devant le juge.

B. La portée de la sanction d’inéligibilité pour la transparence démocratique

Le cumul des irrégularités constatées et le caractère substantiel des obligations méconnues conduisent la haute juridiction à prononcer une inéligibilité pour une durée de trois ans. Cette sanction rigoureuse assure l’égalité entre les candidats et garantit la probité des futurs élus en écartant ceux qui s’affranchissent des règles comptables élémentaires. En application de l’article L.O. 136-1, le juge estime que la méconnaissance délibérée ou par négligence grave des règles de financement justifie une mise à l’écart temporaire. La décision s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à protéger l’intégrité du scrutin contre toute pratique financière potentiellement préjudiciable à la sincérité du vote populaire. La durée de la sanction reflète la volonté du juge de réprimer sévèrement les comportements qui altèrent la confiance des citoyens dans le financement de la démocratie. Le prononcé de cette inéligibilité rappelle que l’accès aux responsabilités publiques est indissociable d’un respect scrupuleux des normes juridiques qui encadrent la conquête des suffrages.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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