Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6300 SEN du 20 septembre 2024

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 19 septembre 2024, tranche un litige relatif au contrôle des comptes de campagne des élections sénatoriales. Cette affaire concerne la situation d’un candidat n’ayant pas respecté les prescriptions temporelles édictées par les dispositions législatives du code électoral français. L’intéressé a concouru au scrutin du 24 septembre 2023 dans le département des Hautes-Pyrénées et a franchi le seuil des suffrages rendant obligatoire le dépôt. Le délai de dépôt expirait le 1er décembre 2023 à dix-huit heures, mais la transmission effective des documents n’est intervenue que le 18 décembre. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a alors saisi le juge constitutionnel par une décision datée du 26 février 2024. Le juge doit apprécier si ce retard caractérise un manquement d’une particulière gravité justifiant une déclaration d’inéligibilité au sens des dispositions organiques. Le Conseil affirme que le dépassement du délai légal de dépôt constitue un motif suffisant pour écarter le candidat de la vie politique élective. L’examen portera sur l’exigence de ponctualité dans la procédure électorale avant d’analyser la mise en œuvre de la sanction par la juridiction constitutionnelle.

I. L’exigence de célérité dans la reddition des comptes de campagne

A. Le cadre temporel contraignant du dépôt comptable

L’article L. 52-12 du code électoral précise que chaque candidat soumis au plafonnement des dépenses doit établir un compte de campagne retraçant ses recettes. Cette obligation de transparence permet un contrôle effectif du financement de la vie politique par l’autorité administrative dans des délais compatibles avec l’élection. Le texte dispose impérativement que le compte « doit être déposé au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour ». La fixation d’une date butoir précise assure l’égalité de traitement entre les prétendants au mandat et prévient toute dissimulation ultérieure de dépenses électorales. Cette rigueur chronologique constitue la pierre angulaire de la sincérité du scrutin et de la probité des acteurs engagés dans la compétition démocratique.

B. La matérialité indiscutable de l’irrégularité constatée

Dans cette espèce, le candidat a déposé ses justificatifs comptables avec plus de deux semaines de retard par rapport au terme fixé par la loi. Le juge note que l’intéressé a procédé à la transmission de son dossier le 18 décembre 2023 alors que le délai expirait le premier. Le Conseil constitutionnel relève ainsi que le compte a été produit « après l’expiration de ce délai », ce qui établit une violation manifeste de la norme. Cette constatation factuelle suffit à caractériser le manquement aux obligations de forme prescrites par les articles L. 52-12 et L. 308-1 du code électoral. La méconnaissance d’une règle de fond aussi essentielle que le respect des délais légaux appelle nécessairement une réponse graduée de la part du juge.

II. La rigueur de la sanction constitutionnelle attachée au manquement

A. Le défaut de justification pertinente par le candidat

Le Conseil constitutionnel vérifie systématiquement si des circonstances particulières permettent d’excuser la méconnaissance des obligations résultant des dispositions impératives relatives au financement électoral. L’instruction démontre ici que le candidat n’a produit aucune observation lors de la procédure contradictoire malgré la communication régulière de la saisine de la Commission. Le juge constitutionnel souligne qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier » la violation de la loi. L’absence totale de motifs exonératoires renforce la gravité du manquement commis par le candidat dans la gestion de ses obligations comptables envers la collectivité. Le silence de l’intéressé prive le juge de toute possibilité d’indulgence face à une irrégularité qui aurait pu être atténuée par des faits imprévisibles.

B. La portée de la déclaration d’inéligibilité prononcée

L’article L.O. 136-1 autorise le juge à déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté les conditions de dépôt en cas de volonté de fraude. La juridiction peut également sanctionner un manquement d’une particulière gravité, même en l’absence de fraude délibérée, pour assurer le respect des règles de financement. Le Conseil décide de prononcer l’inéligibilité du contrevenant « à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision ». Cette mesure proportionnée écarte l’intéressé de la vie électorale afin de garantir l’intégrité des futurs scrutins et la confiance des citoyens dans les institutions. La décision sera notifiée aux autorités compétentes et publiée au Journal officiel pour assurer la pleine efficacité de cette sanction nécessaire au droit.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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