Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6303 SEN du 20 septembre 2024

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 20 septembre 2024 sous le numéro 2024-6303 SEN, s’est prononcé sur la régularité du financement de la campagne d’un candidat. Lors du scrutin organisé le 24 septembre 2023, un candidat a obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés dans une circonscription départementale située en outre-mer. En application des dispositions législatives, ce résultat imposait l’établissement et le dépôt d’un compte de campagne retraçant l’intégralité des recettes et des dépenses engagées. L’autorité administrative de contrôle a saisi la juridiction constitutionnelle le 6 mars 2024 en raison de l’absence totale de dépôt des documents comptables requis. Le candidat concerné n’a produit aucune observation au cours de l’instruction pour justifier le non-respect des obligations financières qui lui incombaient très directement. La question posée au juge consistait à déterminer si le défaut de dépôt d’un compte de campagne constitue un manquement justifiant une déclaration d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel affirme que le candidat n’a pas déposé son compte malgré l’obligation légale et prononce une inéligibilité d’une durée de trois ans. L’examen de la constatation objective du manquement aux obligations comptables précèdera l’analyse de la sanction retenue par la juridiction constitutionnelle française.

I. La constatation objective du manquement aux obligations comptables électorales

A. Le champ d’application de l’obligation de dépôt du compte de campagne

Le code électoral impose aux candidats ayant recueilli un nombre minimal de suffrages une transparence financière rigoureuse afin de garantir l’équité des opérations électorales. L’article L. 52-12 dispose que chaque candidat est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés » lors du scrutin. Cette règle s’applique aux élections sénatoriales par l’effet d’un renvoi législatif exprès organisant le contrôle des dépenses engagées en vue de la désignation des parlementaires. Le compte doit retracer l’ensemble des recettes perçues selon leur origine ainsi que la nature des dépenses effectuées durant la période légale de référence. La présentation par un expert-comptable demeure obligatoire, sauf si le candidat obtient moins de 5 % des voix et que les montants financiers restent limités.

B. L’absence de dépôt caractérisée au terme du délai légal

Le manquement est ici constitué par l’absence matérielle de transmission des documents comptables à l’autorité de contrôle dans les délais impartis par les textes législatifs. La décision souligne que le compte doit être déposé « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » considéré par l’administration. En l’espèce, le candidat n’a pas procédé à ce dépôt obligatoire alors que son score électoral le soumettait pourtant au régime commun de transparence financière. L’instruction n’a révélé aucune circonstance particulière de nature à expliquer ou à justifier raisonnablement cette omission grave de la part du demandeur à l’élection sénatoriale. Cette carence prive l’autorité de sa mission de vérification et empêche tout contrôle effectif de l’origine ainsi que de la destination des fonds électoraux utilisés.

II. La sanction de la méconnaissance des règles de financement

A. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité

Le juge constitutionnel dispose du pouvoir de sanctionner les dérives financières lorsqu’elles révèlent une volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité aux règles. L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte dans les conditions et le délai prescrits par la loi organique. La jurisprudence considère traditionnellement que l’absence totale de dépôt d’un compte de campagne obligatoire prive le processus électoral d’une garantie fondamentale de probité. En l’absence de justification sérieuse, le Conseil constitutionnel retient ici l’existence d’une « particulière gravité de ce manquement » au regard des principes essentiels du droit électoral. Le silence du candidat durant la procédure d’instruction renforce la caractérisation de cette négligence inexcusable vis-à-vis des obligations légales pesant sur tout prétendant au mandat.

B. La détermination d’une inéligibilité de trois ans

La sanction prononcée consiste en une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans, prenant effet à compter de la date de la décision. Cette durée s’inscrit dans le cadre des prévisions législatives permettant au juge de moduler la sévérité de la peine selon les circonstances propres à l’espèce traitée. L’inéligibilité vise à protéger l’intégrité de la représentation nationale en écartant temporairement de la vie publique les citoyens ayant méconnu les règles de financement électoral. La mesure est ici proportionnée à la nature de l’omission puisque le défaut de dépôt empêche radicalement tout contrôle administratif de la sincérité du scrutin passé. Cette décision réaffirme la rigueur nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie et assure l’effectivité des règles comptables encadrant l’accès aux hautes fonctions électives.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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