Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6308 AN du 27 septembre 2024

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 26 septembre 2024, s’est prononcé sur la recevabilité d’un recours formé contre les résultats du premier tour. Un électeur critiquait les opérations électorales s’étant déroulées le 30 juin 2024 sans pour autant revendiquer le bénéfice d’une élection pour un candidat donné. Saisi directement, le juge devait déterminer si une contestation est recevable lorsque le premier tour n’aboutit pas à la désignation immédiate d’un représentant à l’Assemblée nationale. La juridiction écarte la requête au motif qu’aucun siège n’a été pourvu et que le requérant ne sollicitait pas la proclamation d’un candidat spécifique. Cette solution, rigoureuse mais logique, repose sur une lecture littérale des textes organiques encadrant le contentieux des élections législatives.

I. La rigueur procédurale du contentieux électoral devant le juge constitutionnel

A. L’impératif d’une élection acquise pour justifier le recours Selon les juges du Palais Royal, la saisine ne peut prospérer que si elle vise une opération ayant conduit à la désignation effective d’un parlementaire. Le Conseil souligne ainsi que la requête est « dirigée contre les seules opérations du premier tour du scrutin » sans qu’une élection ne soit intervenue. L’absence de proclamation fait obstacle à l’examen au fond puisque l’acte contesté ne crée pas encore de situation juridique définitive pour la circonscription concernée. Le juge constitutionnel relève qu’« aucun candidat n’ayant été proclamé élu à la suite de ce premier tour », la contestation s’avère prématurée et donc juridiquement inopérante. Cette exigence garantit que le juge n’intervienne que pour valider ou infirmer un résultat concret ayant une influence directe sur la composition de la chambre.

B. L’application stricte des dispositions de l’ordonnance organique Le fondement de cette irrecevabilité se trouve dans l’article 33 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, lequel limite strictement l’objet des recours électoraux possibles. Le texte prévoit que le Conseil « ne peut être valablement saisi… de contestations autres que celles dirigées contre l’élection d’un député dans une circonscription déterminée ». En l’espèce, le requérant n’attaquait pas une élection mais simplement le déroulement matériel d’un tour de scrutin n’ayant pas abouti à un mandat. L’ordonnance impose une corrélation directe entre la plainte de l’électeur et l’existence d’un élu dont le titre pourrait être valablement remis en cause. La décision rappelle que le contentieux électoral est un contentieux de l’élection et non un contrôle abstrait de la régularité de chaque étape intermédiaire.

II. La rationalisation du contrôle des opérations électorales intermédiaires

A. Une irrecevabilité fondée sur l’absence de grief utile La décision s’appuie également sur l’article 38 de l’ordonnance organique qui permet de rejeter les requêtes ne contenant que des griefs sans influence possible. Le Conseil peut écarter sans instruction préalable les demandes « qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l’élection » de l’avis de la juridiction. Puisque le requérant ne demandait « la proclamation d’aucun candidat », sa démarche ne visait pas à modifier l’attribution du siège à l’issue de la procédure globale. Le juge considère alors que le recours est dépourvu de toute utilité pratique, justifiant un traitement rapide pour éviter l’encombrement inutile du calendrier juridictionnel. Cette approche pragmatique permet de concentrer les ressources du Conseil constitutionnel sur les litiges susceptibles de modifier réellement l’équilibre démocratique de la représentation nationale.

B. La confirmation d’une solution jurisprudentielle protectrice du scrutin Cette solution s’inscrit dans une pratique constante visant à protéger la stabilité des opérations électorales jusqu’à leur terme définitif après le second tour. En refusant d’analyser les griefs isolés d’un premier tour non décisif, le juge évite de fragmenter le contentieux et de retarder le processus législatif. La portée de cet arrêt est significative car elle réaffirme que les irrégularités éventuelles du premier tour doivent être invoquées lors de la contestation globale. Les électeurs conservent le droit de soulever ces moyens, mais seulement une fois que le résultat final permet d’en apprécier l’impact réel sur l’élection. Le Conseil assure ainsi une cohérence entre la fluidité du calendrier électoral et le respect indispensable du droit au recours effectif des citoyens.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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