Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6316/6359 AN du 6 décembre 2024

Le Conseil constitutionnel a rendu le 5 décembre 2024 une décision importante concernant le contentieux des élections législatives organisées au cours de l’été précédent. Un candidat élu s’est vu reprocher l’usage abusif de l’identité visuelle d’une coalition politique alors qu’il n’avait pas obtenu l’investiture officielle requise. Deux requêtes tendant à l’annulation des opérations électorales ont été formées devant le juge constitutionnel par un électeur et un candidat concurrent évincé dès le premier tour. Les requérants soutenaient que l’affichage massif des logos partisans sur les documents de propagande avait créé une confusion manifeste dans l’esprit des citoyens locaux. Le litige porte sur la question de savoir si l’usage d’une investiture usurpée altère la sincérité du scrutin malgré la publicité entourant les dissidences politiques. Le Conseil constitutionnel rejette les requêtes en considérant que l’information suffisante des électeurs neutralise l’effet de la manœuvre visuelle dénoncée par les requérants malheureux. L’analyse de cette décision suppose d’étudier d’abord l’identification d’une manœuvre électorale avant d’examiner les raisons de l’absence d’annulation du scrutin par les sages.

I. L’identification d’une manœuvre électorale par l’usage abusif de symboles partisans

A. Le constat d’une appropriation injustifiée de l’identité visuelle d’une coalition

Le juge constitutionnel relève que le candidat proclamé élu a fait figurer un logo en grand format sur sa profession de foi durant la campagne. Il a également affiché une bannière mentionnant le nom d’une coalition nationale sur ses bulletins de vote malgré l’absence d’investiture par le parti concerné. Ces éléments matériels constituent une appropriation visuelle de l’étiquette politique appartenant normalement au candidat officiellement investi par les instances dirigeantes de la formation politique. L’usage de tels attributs graphiques vise à capter les suffrages des électeurs attachés à un programme politique précis sans respecter les règles de désignation interne. Cette pratique est qualifiée de manœuvre dès lors qu’elle repose sur une présentation trompeuse de la situation politique réelle du candidat devant le corps électoral.

B. La mission de contrôle du juge sur la véracité des investitures politiques

Le Conseil rappelle qu’il lui appartient de vérifier si des manœuvres ont été « susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l’investiture des candidats ». Cette compétence permet au juge de l’élection de protéger la clarté du débat démocratique en sanctionnant les prétentions partisanes mensongères ou simplement ambiguës. La réalité de l’investiture constitue un élément déterminant du choix politique pour de nombreux citoyens qui votent davantage pour une étiquette que pour une personne. Le juge doit donc s’assurer que les documents de propagande ne détournent pas les symboles officiels pour créer une apparence de légitimité partisane totalement inexistante. Une fois le caractère irrégulier de la manœuvre établi, il convient d’analyser l’influence réelle de ces agissements sur les résultats définitifs de l’élection contestée.

II. La validation de l’élection par l’absence d’altération de la sincérité du scrutin

A. La connaissance des faits par le corps électoral comme facteur de tempérament

Le juge constate que le refus d’investiture opposé au candidat sortant a bénéficié d’une « large publicité » au sein de la circonscription des Bouches-du-Rhône. Le débat public a largement relayé la question de sa légitimité à utiliser les logos de la coalition nationale dans la presse locale et nationale. Cette médiatisation intense permet de considérer que les électeurs étaient suffisamment informés de la dissidence du candidat élu au moment de déposer leur bulletin. L’information effective des citoyens agit ici comme un correctif à la manœuvre visuelle en dissipant les doutes sur l’investiture réelle des différentes forces en présence. Le Conseil constitutionnel privilégie ainsi une approche concrète de la connaissance des faits par les électeurs pour apprécier la validité des opérations électorales.

B. L’exigence d’une confusion déterminante pour le maintien des résultats acquis

La décision souligne que les faits dénoncés n’ont pas créé une « confusion telle que l’issue du scrutin en ait été affectée » dans les circonstances particulières. Le juge électoral refuse d’annuler une élection lorsque la manœuvre, bien qu’établie, n’a pas pu modifier le classement des candidats ou les écarts de voix. Cette jurisprudence protège la stabilité des résultats en exigeant la preuve d’un lien de causalité direct entre l’irrégularité commise et le score obtenu. La connaissance de la situation par les électeurs et l’ampleur du débat public rendent l’usurpation de l’étiquette politique impuissante à fausser radicalement le verdict des urnes. Le rejet des requêtes confirme que seule une tromperie irrémédiable et déterminante peut conduire le Conseil constitutionnel à censurer le choix exprimé par le suffrage universel.

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Hassan KOHEN
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