Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6332 AN du 13 décembre 2024

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2024-6332 AN du 12 décembre 2024, statue sur la régularité d’une élection législative organisée dans une circonscription départementale. Un recours fut introduit le 15 juillet 2024 par une candidate évincée sollicitant l’annulation totale des opérations électorales contestées. La demanderesse soutient que son adversaire victorieuse a utilisé un compte à abonnement payant sur un réseau social pour diffuser sa propagande électorale. Elle invoque la violation des dispositions législatives prohibant le recours à tout procédé de publicité commerciale par voie de communication électronique. Le litige porte sur la licéité de ces nouveaux vecteurs de communication audiovisuelle et leur influence réelle sur le choix souverain des électeurs. Le Conseil constitutionnel écarte les prétentions de la requérante en relevant l’absence de manœuvre caractérisée susceptible de modifier le résultat définitif du vote. Cette analyse conduit à examiner l’application des règles de propagande au numérique avant d’étudier les conditions strictes de l’annulation d’un scrutin électoral.

I. Le contrôle de l’usage des nouveaux outils de communication numérique

A. L’encadrement législatif de la propagande électorale par voie électronique

L’article L. 52-1 du code électoral interdit l’utilisation de tout procédé de publicité commerciale pendant les six mois précédant le mois d’une élection. Cette règle impérative vise à garantir une stricte égalité entre les candidats et à prévenir les dérives financières liées à la communication politique. Le législateur a étendu cette prohibition aux messages de propagande diffusés par tout moyen de communication au public par voie électronique par l’article L. 48-1. Le Conseil constitutionnel rappelle ici la portée générale de ces dispositions législatives qui s’appliquent désormais de manière uniforme à l’ensemble des supports audiovisuels. Cette extension numérique répond à l’évolution des pratiques militantes et cherche à limiter l’influence des moyens financiers sur la visibilité médiatique des candidats. Cette rigueur textuelle se heurte pourtant à la difficulté de qualifier précisément les nouveaux services proposés par les plateformes numériques.

B. La qualification juridique incertaine du compte à abonnement payant

La requête met en cause l’usage d’un compte à abonnement payant sur un réseau social, modalité technique qui interroge la définition de la publicité commerciale. « De tels faits », mentionnés par la décision, suggèrent une possible méconnaissance formelle des interdictions posées par les textes électoraux en vigueur. La nature payante de l’abonnement pourrait s’apparenter à un service commercial prohibé dès lors qu’il sert de support à une communication partisane délibérée. Les juges constitutionnels ne tranchent pas explicitement la question de la légalité intrinsèque de ce procédé technique au regard du code électoral. Ils préfèrent concentrer leur raisonnement juridique sur l’absence de conséquences concrètes des agissements dénoncés sur le comportement des citoyens appelés aux urnes. L’absence de sanction systématique de l’irrégularité démontre la volonté du juge de mesurer l’impact réel des manquements sur le résultat électoral.

II. La sanction subordonnée à l’altération prouvée de la sincérité du scrutin

A. L’appréciation factuelle limitée de l’influence sur les électeurs

Le juge électoral fonde son rejet sur « le nombre très réduit de messages émis par ce biais » ainsi que sur leur teneur spécifique. Cette approche pragmatique exige une analyse quantitative et qualitative des publications litigieuses pour évaluer leur capacité réelle de persuasion sur le corps électoral. L’influence d’une communication numérique dépend effectivement de sa fréquence de diffusion et de la nature des propos tenus par le candidat pendant la campagne. En l’espèce, la faible audience du compte payant ne permettait manifestement pas de constituer une diffusion massive susceptible de tromper ou d’orienter les électeurs. Le Conseil constitutionnel refuse ainsi de sanctionner une irrégularité qui demeure marginale et dépourvue d’effet tangible sur la répartition finale des suffrages exprimés. Ce contrôle de l’influence concrète garantit que seule une rupture grave de l’égalité puisse justifier une remise en cause du vote.

B. La confirmation d’une jurisprudence protectrice de la stabilité électorale

La décision précise que les faits n’ont pas « constitué une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin » au sens de la jurisprudence. Cette formulation classique rappelle que seule une fraude grave ou une perturbation significative peut justifier l’annulation d’une élection démocratique déjà acquise. La stabilité des mandats électifs constitue un principe directeur que le juge constitutionnel préserve en limitant les causes de nullité aux cas de rupture manifeste. Cette solution confirme la rigueur de l’examen de proportionnalité entre la gravité de la faute commise et l’écart de voix séparant les candidats. Le contentieux électoral privilégie ainsi le respect de la volonté populaire sur le formalisme excessif des règles de propagande applicables aux réseaux sociaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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