Le Conseil constitutionnel a rendu, par sa décision n° 2024-6366 AN du 13 décembre 2024, une réponse relative à une contestation des opérations électorales législatives. Ce litige porte sur l’éligibilité d’un candidat ayant exercé des fonctions de direction au sein d’une administration centrale avant son élection à l’Assemblée nationale.
Un candidat malheureux a saisi le juge électoral le 17 juillet 2024 afin d’obtenir l’annulation du scrutin dans la cinquième circonscription d’un département français. Le requérant soutenait que les fonctions de chef de mission et de délégué interministériel adjoint occupées par l’élu contrevenaient aux dispositions du code électoral.
Le juge constitutionnel a instruit l’affaire en recevant les mémoires en défense de l’élu ainsi que les observations détaillées du ministre de l’Intérieur. Le demandeur invoquait l’inéligibilité de son adversaire, alors que ce dernier concluait au rejet de la requête et sollicitait une indemnité pour recours abusif.
La question posée au juge consistait à savoir si des fonctions exercées au sein d’une direction générale ministérielle entrent dans le champ des inéligibilités territoriales. Le Conseil constitutionnel écarte le grief en rappelant que les dispositions fixant des inéligibilités sont d’interprétation stricte et ne visent pas les fonctions litigieuses.
L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’affirmation d’une interprétation restrictive des inéligibilités organiques (I) avant d’examiner l’encadrement rigoureux du contentieux électoral (II).
I. L’affirmation d’une interprétation restrictive des inéligibilités organiques
A. La primauté du principe de liberté de candidature
Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur le paragraphe II de l’article L.O. 132 du code électoral concernant les agents des administrations civiles de l’État. Le juge rappelle solennellement que ces dispositions législatives, « qui fixent des inéligibilités, sont d’interprétation stricte » afin de préserver la liberté fondamentale de se porter candidat.
Cette règle herméneutique interdit au juge d’étendre les causes d’inéligibilité au-delà des termes précis de la loi, protégeant ainsi le droit de suffrage universel. La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à ne pas restreindre l’accès au mandat parlementaire sans une base textuelle claire et dénuée d’ambiguïté.
B. L’exclusion des fonctions de l’administration centrale du champ de l’interdiction
L’instruction a révélé que l’élu exerçait les fonctions de délégué interministériel adjoint et de chef de mission au sein d’une direction générale d’un ministère. Le Conseil constitutionnel observe que « ces fonctions ne sont pas au nombre de celles qui sont énumérées au 4° du paragraphe II » du texte invoqué.
Le texte visait spécifiquement les directeurs et chefs de service exerçant leurs compétences dans le ressort d’une région ou d’un département lors du scrutin. L’absence de mention explicite des fonctions exercées au niveau central interdit toute assimilation aux postes territoriaux limitativement énumérés par le législateur organique.
Cette délimitation précise des causes d’empêchement électoral conduit naturellement à un rejet des prétentions du requérant et à une confirmation de la validité du scrutin.
II. L’encadrement rigoureux du contentieux électoral devant le juge constitutionnel
A. Le rejet des griefs fondés sur une extension analogique des textes
Le juge refuse de procéder à une interprétation par analogie qui aurait permis d’assimiler les fonctions centrales à celles de l’administration territoriale de l’État. Le grief tiré de l’inéligibilité est écarté car le candidat élu ne remplissait pas les conditions de fonction et de ressort géographique prévues par le code.
La décision souligne l’importance de la sécurité juridique en matière électorale en imposant une lecture littérale des textes régissant l’accès aux fonctions de député. Par cette rigueur, le Conseil constitutionnel assure que seuls les risques réels de pression administrative sur le corps électoral local justifient une restriction au droit.
B. L’irrecevabilité des conclusions reconventionnelles en indemnisation
L’élu avait formulé des conclusions tendant à la condamnation du requérant au versement d’une indemnité pour recours abusif devant la haute juridiction constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel déclare toutefois que ces prétentions sont « irrecevables » car elles ne relèvent pas de sa compétence spécifique définie par la Constitution.
Le juge de l’élection se cantonne à l’examen de la régularité des opérations électorales et ne saurait statuer sur des demandes de dommages et intérêts. Le dispositif confirme ainsi le caractère strictement électoral de ce contentieux particulier, rejetant tant la requête principale que les demandes accessoires de la défense.