Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2024-6368 AN du 7 mars 2025, s’est prononcé sur la validité des opérations électorales au sein d’une circonscription départementale. Le juge électoral traite ici de la sincérité du scrutin face à des allégations de désinformation médiatique et d’irrégularités matérielles constatées lors du vote. Un candidat malheureux sollicitait l’annulation de l’élection en invoquant une manœuvre électorale tardive ainsi que de multiples griefs relatifs à la tenue des listes d’émargement. Après avoir déposé sa requête le 17 juillet 2024, le requérant critiquait notamment la diffusion d’une information inexacte par un média national durant le délai de réserve. Le Conseil devait déterminer si les irrégularités constatées dans la rédaction des listes et le décompte des voix pouvaient altérer le résultat définitif de l’élection. Les sages considèrent que si certaines signatures litigieuses imposent une rectification des résultats, l’absence d’impact décisif des autres griefs justifie le rejet de la requête. L’étude de la protection rigoureuse de la sincérité lors des opérations de vote précédera l’analyse de l’influence réelle de ces irrégularités sur le résultat final.
I. La protection rigoureuse de la sincérité du scrutin lors des opérations de vote
A. L’exigence de l’authenticité des signatures sur les listes d’émargement
Le juge constitutionnel rappelle avec fermeté que « seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin ». Cette règle de fond, issue du code électoral, garantit que chaque suffrage exprimé correspond effectivement à l’identité de l’électeur inscrit sur la liste. Dans cette affaire, l’examen scrupuleux des listes par le Conseil a révélé que trente-six signatures présentaient des différences significatives non justifiées entre les deux tours. Ces votes irréguliers ont été déduits du total des voix obtenues par le candidat arrivé en tête ainsi que du nombre total des suffrages. Cette rigueur probatoire écarte ainsi les signatures dont l’authenticité est douteuse sans pour autant invalider celles ayant fait l’objet d’une attestation ultérieure.
B. Le contrôle du décompte matériel des suffrages
Le contrôle s’étend également à la concordance entre le nombre d’émargements et celui des enveloppes effectivement trouvées dans l’urne au moment du dépouillement. Le Conseil a relevé des différences d’une unité dans deux bureaux de vote distincts, entraînant mécaniquement la réduction des suffrages du candidat déclaré initialement élu. Toutefois, le juge tempère cette sévérité lorsque des erreurs purement formelles, comme l’absence de signatures des membres du bureau, n’affectent pas la véracité des résultats. Si les totaux portés sur les procès-verbaux concordent avec les listes d’émargement, l’omission matérielle ne saurait entraîner, à elle seule, l’annulation des suffrages exprimés. L’examen de la régularité des opérations de vote conduit alors le juge à apprécier l’influence réelle des griefs invoqués sur l’issue de l’élection.
II. L’appréciation nuancée de l’influence des irrégularités sur le résultat final
A. L’exigence d’un impact effectif des manœuvres de campagne
Le requérant dénonçait la diffusion, sur le site internet d’un journal national, d’une information inexacte relative à une réforme législative majeure juste avant le scrutin. Le juge relève néanmoins que « cette information a été immédiatement démentie », ce qui a permis une correction rapide de la publication litigieuse par le média concerné. L’absence de preuve concernant un écho particulier de cette fausse nouvelle dans la circonscription concernée vide ainsi le grief de sa substance juridique réelle. Une telle publication, bien que regrettable pour la qualité du débat démocratique, n’a pas méconnu les dispositions protectrices du code électoral relatives à la propagande. Le Conseil exige ainsi une corrélation directe et prouvée entre l’irrégularité alléguée et une possible altération de la volonté souveraine des électeurs locaux.
B. Le maintien du résultat électoral malgré les rectifications opérées
Après avoir procédé à l’ensemble des rectifications nécessaires, le Conseil constitutionnel constate que l’écart entre les deux candidats au second tour demeure de vingt-deux voix. Bien que ce score soit particulièrement serré, les sages soulignent que « ces rectifications ne modifient pas l’ordre des candidats » tel qu’il résultait initialement des opérations électorales. La jurisprudence constitutionnelle constante refuse d’annuler une élection lorsque les irrégularités constatées ne sont pas numériquement suffisantes pour inverser le sens final du scrutin. Le rejet de la requête confirme la volonté du juge de stabiliser les mandats électoraux lorsque la majorité des suffrages reste acquise au vainqueur. Cette décision illustre l’équilibre délicat entre la sanction des erreurs de procédure et le respect de la légitimité démocratique issue des urnes.