Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6389 AN du 27 septembre 2024

Par une décision en date du 26 septembre 2024, le Conseil constitutionnel a statué sur la recevabilité d’une requête en contestation d’une élection législative. La solution rendue illustre la rigueur procédurale qui encadre le contentieux électoral, en particulier s’agissant des délais de recours.

En l’espèce, à la suite du scrutin du 7 juillet 2024 pour l’élection d’un député dans une circonscription des Français établis hors de France, les résultats furent proclamés le 8 juillet 2024. Un requérant a saisi le juge de l’élection d’une contestation relative à la régularité de ce scrutin. Cette requête a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 1er août 2024, soit plus de trois semaines après la proclamation des résultats.

Il appartenait ainsi au Conseil constitutionnel de déterminer si une requête contestant la régularité d’une élection législative demeure recevable lorsqu’elle est enregistrée après l’expiration du délai de dix jours prévu par la loi organique.

À cette question, le Conseil constitutionnel répond par la négative, en application des dispositions de l’ordonnance du 7 novembre 1958. Il juge que la requête, ayant été reçue après l’échéance du délai légal, « est donc tardive et doit, par suite, être rejetée comme irrecevable ». Cette approche formaliste, fondée sur une fin de non-recevoir d’ordre public, réaffirme la prééminence des règles de procédure dans la stabilisation des résultats électoraux.

La solution, bien que classique, confirme la rigueur avec laquelle le juge électoral encadre le contentieux (I), une orthodoxie qui garantit la sécurité juridique tout en définissant strictement l’office du juge (II).

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I. L’APPLICATION RIGOUREUSE D’UNE FIN DE NON-RECEVOIR D’ORDRE PUBLIC

Le Conseil constitutionnel fait une application stricte des textes régissant la procédure contentieuse électorale, en constatant une irrecevabilité manifeste qui justifie une procédure de rejet simplifiée (A), fondée sur le caractère non prorogeable du délai de contestation (B).

A. Une irrecevabilité manifeste justifiant un rejet sans instruction

La décision commentée s’appuie sur le fondement de l’article 38, deuxième alinéa, de l’ordonnance du 7 novembre 1958. Ce texte autorise le Conseil constitutionnel à écarter, par une procédure accélérée, les requêtes qui ne satisfont pas aux conditions de forme ou dont les griefs sont manifestement infondés. En l’espèce, le juge constitutionnel constate que la tardiveté de la requête est un vice de procédure qui ne nécessite aucune instruction au fond.

Le Conseil peut ainsi « rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ». Cette faculté permet de purger rapidement le contentieux des recours voués à l’échec pour des motifs purement procéduraux. La tardiveté, en tant que fait matériel objectif et aisément vérifiable par la simple confrontation des dates, constitue le cas typique de l’irrecevabilité manifeste. L’économie procédurale ainsi réalisée garantit l’efficacité du contrôle juridictionnel en concentrant les débats contradictoires sur les seules affaires qui le justifient.

B. Le caractère préfix du délai de contestation

Le cœur du raisonnement du Conseil réside dans l’application de l’article 33 de la même ordonnance organique. Celui-ci dispose que le recours doit être formé « jusqu’au dixième jour qui suit la proclamation des résultats de l’élection, au plus tard à dix-huit heures ». Ce délai est qualifié de délai préfix, ce qui signifie qu’il n’est susceptible ni de suspension ni d’interruption.

En l’espèce, les résultats ayant été proclamés le 8 juillet 2024, le délai de contestation expirait le 18 juillet 2024 à dix-huit heures. La requête, enregistrée le 1er août 2024, était donc indiscutablement hors délai. Le Conseil constitutionnel n’a d’autre choix que de constater la forclusion et de prononcer l’irrecevabilité, sans pouvoir examiner les moyens de fond soulevés par le requérant. La sévérité de cette règle se justifie par la nature même du contentieux électoral.

II. LA PORTÉE DE L’IRRECEVABILITÉ AU REGARD DES GARANTIES CONTENTIEUSES

Cette décision, bien que d’espèce, est révélatrice de l’équilibre recherché en droit électoral entre la nécessité de la sécurité juridique (A) et l’exercice du droit au recours, qui se trouve ici encadré par un contrôle formel strict (B).

A. La primauté de la sécurité juridique en matière électorale

La brièveté et la rigueur du délai de contestation répondent à un impératif fondamental : la stabilisation rapide et définitive des résultats d’une élection. Le fonctionnement régulier des institutions démocratiques exige que la composition des assemblées parlementaires ne puisse être remise en cause indéfiniment. Une période d’incertitude prolongée porterait atteinte à la légitimité des élus et à la continuité de l’action publique.

En appliquant sans aucune flexibilité la règle du délai de dix jours, le Conseil constitutionnel confère son plein effet à cet objectif de sécurité juridique. Le droit au recours du citoyen, bien que constitutionnellement garanti, doit se concilier avec cet intérêt supérieur. La forclusion apparaît alors comme la sanction nécessaire du défaut de diligence du requérant, lequel doit supporter les conséquences de sa négligence à agir dans le cadre temporel fixé par la loi organique.

B. Un contrôle formel limitant l’office du juge du contentieux

La solution adoptée illustre parfaitement la posture du juge de l’élection face à une fin de non-recevoir d’ordre public. Son office se trouve limité à un contrôle purement formel, qui précède et conditionne tout examen au fond. Le juge n’a aucune marge d’appréciation pour déroger à la règle du délai, quelles que soient les circonstances de l’espèce ou la pertinence potentielle des griefs soulevés.

Cette décision réaffirme que l’accès au prétoire, en matière électorale comme dans d’autres contentieux, est subordonné au respect de conditions procédurales strictes. Le rejet pour tardiveté n’est pas un déni de justice, mais la conséquence de l’inobservation d’une règle dont la finalité est de garantir l’ordonnancement du processus démocratique. Par cette décision, le Conseil constitutionnel rappelle que la validité d’une élection ne peut être perpétuellement incertaine et que la charge de la célérité pèse avant tout sur le contestataire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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