Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6390 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 juin 2025, une décision importante relative au contrôle des comptes de campagne lors des élections législatives. Cette décision précise les conséquences juridiques majeures du défaut d’ouverture d’un compte bancaire unique par le mandataire financier désigné par un candidat. À l’occasion du scrutin national de l’été 2024, un candidat n’a pas respecté l’obligation légale d’individualisation financière des opérations liées à sa campagne. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ses documents comptables le 21 octobre 2024 pour méconnaissance grave des règles. Saisie par cette autorité administrative, la haute juridiction doit déterminer si l’absence de compte bancaire spécifique constitue une irrégularité justifiant l’inéligibilité du contrevenant. Les juges confirment la décision de rejet et prononcent une inéligibilité d’un an en raison de la gravité manifeste du manquement financier constaté. L’analyse portera d’abord sur la rigueur des obligations comptables imposées aux candidats avant d’étudier la sévérité de la sanction d’inéligibilité finalement prononcée.

I. La consécration d’une obligation comptable impérative

A. L’exigence formelle du compte bancaire dédié

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle garantit la transparence absolue des flux monétaires engagés durant la période électorale par les différents prétendants à la représentation nationale. La juridiction constitutionnelle rappelle que chaque candidat soumis au plafonnement des dépenses doit obligatoirement retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées. Le compte bancaire unique permet une traçabilité rigoureuse qui est indispensable au contrôle effectif opéré par la Commission nationale des comptes de campagne.

B. La sanction automatique du défaut d’ouverture

Le juge constate que le mandataire financier « n’avait pas ouvert de compte bancaire, en violation des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-6 ». L’absence de ce support matériel empêche toute vérification sincère de l’origine des fonds ainsi que de la réalité des dépenses électorales effectivement payées. Le Conseil estime que « c’est à bon droit » que l’administration a rejeté le compte de campagne présenté sans les relevés bancaires prévus par la loi. Cette solution technique s’explique par l’impossibilité de mettre le compte en état d’examen faute de documents justificatifs considérés comme primordiaux et obligatoires. Cette rigueur comptable se double d’une appréciation sévère du comportement du candidat lors du prononcé de la sanction d’inéligibilité.

II. La rigueur de la sanction d’inéligibilité

A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité

L’inéligibilité n’est pas une conséquence automatique du rejet des comptes mais dépend étroitement de la nature de la faute commise par le candidat imprudent. Le juge s’appuie sur l’article L.O. 136-1 pour sanctionner un « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales » constaté durant l’instruction. Il souligne que l’intéressé « ne pouvait ignorer la portée » d’une règle aussi fondamentale et élémentaire du droit électoral public en vigueur dans notre pays. La méconnaissance de cette obligation de forme est alors assimilée à une négligence inexcusable portant une atteinte directe à la transparence financière nécessaire.

B. La portée temporelle et politique de la décision

Le Conseil prononce une inéligibilité « à tout mandat pour une durée d’un an » à compter de la date de lecture de sa présente décision. Cette sanction proportionnée vise à écarter temporairement de la vie publique les citoyens dont la gestion financière présente des lacunes ou des erreurs majeures. La décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse toute forme d’indulgence face à l’absence totale de compte bancaire dédié à une élection. Elle confirme ainsi que la rigueur formelle demeure la condition sine qua non de la régularité des opérations de financement de la vie politique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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