Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6391 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 juin 2025, une décision importante relative au contentieux des élections législatives organisées au cours de l’été précédent. Un candidat à la députation dans la deuxième circonscription d’un département a vu son compte de campagne rejeté par l’autorité administrative de contrôle financier. Les faits révèlent que le mandataire financier désigné par l’intéressé n’avait pas ouvert le compte bancaire unique exigé par les textes électoraux en vigueur actuellement. L’autorité administrative a donc prononcé le rejet du compte en octobre avant de transmettre le dossier complet au juge électoral pour une suite légale. Le candidat n’a produit aucune observation devant la juridiction constitutionnelle malgré la communication régulière de la saisine effectuée par les services du greffe compétent. La question posée aux juges consistait à déterminer si l’absence d’ouverture d’un compte bancaire spécifique justifiait la confirmation du rejet et la sanction d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel a considéré que ce manquement présentait une gravité suffisante pour valider la décision administrative et écarter temporairement le candidat du scrutin électoral. Cette analyse impose d’étudier le rejet du compte pour méconnaissance des règles de forme avant d’analyser le prononcé d’une inéligibilité sanctionnant ce manquement juridique sérieux.

I. Le rejet du compte de campagne fondé sur l’absence de traçabilité bancaire

A. L’exigence impérative d’un compte bancaire dédié par le mandataire financier

Le code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières » de campagne. Cette règle fondamentale assure la transparence des flux financiers et permet à l’administration de contrôler l’origine ainsi que la destination des fonds engagés. L’ouverture de ce compte bancaire constitue une formalité substantielle dont le non-respect empêche toute vérification sérieuse de la régularité des recettes électorales perçues. La juridiction rappelle également que le compte de campagne doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables pour être dûment examiné.

B. La confirmation du rejet par le juge de l’élection législative

La haute instance souligne que le compte de campagne a été rejeté au motif que le mandataire financier n’avait pas ouvert de compte de dépôt. Le Conseil constitutionnel constate simplement que « cette circonstance est établie » par les pièces du dossier et les observations de l’autorité de contrôle compétente. Le rejet du compte par l’autorité administrative est jugé conforme au droit positif en raison du caractère obligatoire de cette mesure de publicité financière. L’absence de défense du candidat confirme la matérialité de cette omission qui vicie irrémédiablement l’ensemble de la procédure de contrôle des frais de campagne.

II. Le prononcé d’une inéligibilité sanctionnant un manquement d’une particulière gravité

A. La caractérisation de la gravité du manquement aux règles de financement électoral

L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de déclarer inéligible le candidat dont le compte est rejeté pour un manquement d’une gravité particulière. Le Conseil constitutionnel estime que l’absence de compte bancaire constitue une violation majeure des règles dont le candidat ne pouvait ignorer la portée juridique réelle. Cette appréciation souveraine des juges souligne que le respect de la traçabilité bancaire représente une condition fondamentale de la probité de la vie publique nationale. Le manquement est ici jugé intrinsèquement grave car il prive le système de contrôle de sa base matérielle sans qu’une intention de fraude soit démontrée.

B. La modulation temporelle de la sanction d’inéligibilité par la juridiction constitutionnelle

Les sages décident de « prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision » rendue publique. Cette durée de douze mois constitue une sanction modérée si l’on considère le plafond maximal de trois années prévu par le législateur organique compétent. Le Conseil constitutionnel recherche un équilibre entre la nécessité de sanctionner une irrégularité manifeste et le respect du droit fondamental de suffrage de l’intéressé. La décision sera notifiée aux autorités puis publiée officiellement pour assurer l’exécution immédiate de cette mesure d’exclusion de la vie politique pour un an.

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Hassan KOHEN
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