Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6391 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 juin 2025, une décision marquante concernant le respect des obligations de financement lors des élections législatives de 2024. Cette affaire traite de la régularité du compte de campagne d’un candidat n’ayant pas ouvert de compte bancaire spécifique pour ses opérations financières. À la suite du scrutin organisé dans un département de l’Est, l’organe de contrôle a rejeté le document comptable car le mandataire avait méconnu les prescriptions impératives du code électoral. Saisi le 29 octobre 2024, le juge doit déterminer si ce manquement formel justifie une déclaration d’inéligibilité malgré l’absence de fraude délibérée prouvée. La juridiction valide le rejet du compte et prononce une interdiction de se présenter à tout mandat pour une durée d’une année civile. Cette solution repose sur l’importance de la transparence financière, laquelle nécessite d’abord l’analyse de l’irrégularité commise avant d’envisager la sévérité de la sanction.

I. L’irrégularité substantielle résultant de l’absence de compte bancaire dédié

A. La méconnaissance des obligations pesant sur le mandataire financier

Le mandataire financier est tenu d’ouvrir un compte bancaire unique destiné à retracer l’intégralité des flux financiers réalisés pendant la durée de la campagne. L’article L. 52-6 précise que l’intitulé de ce compte doit expressément mentionner la fonction de mandataire ainsi que le nom du candidat pour lequel il agit. Cette formalité impérative vise à assurer la traçabilité des recettes et à permettre une vérification rigoureuse de la licéité des fonds utilisés par les candidats. L’absence d’un tel support bancaire empêche l’organe de contrôle de s’assurer de l’équilibre du compte ainsi que de la réalité des dépenses engagées.

B. La validation du rejet pour violation d’une formalité substantielle

Le juge constitutionnel constate que le mandataire n’a ouvert aucun compte, ce qui constitue une « violation des dispositions du deuxième alinéa » prévues par le législateur. Puisque cette circonstance matérielle est parfaitement établie, le Conseil affirme que c’est « à bon droit » que le compte de campagne a été rejeté. Le respect de ces règles de forme est essentiel pour garantir la sincérité du scrutin et éviter tout risque de dissimulation de ressources occultes. La décision de rejet apparaît ainsi comme la conséquence inévitable d’une omission qui altère profondément la transparence attendue de chaque prétendant à la députation.

II. La sanction de l’inéligibilité proportionnée à la gravité du manquement

A. La caractérisation d’une faute d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 dispose que le juge peut déclarer inéligible un candidat en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité. Le Conseil retient ici une « particulière gravité du manquement » à une règle dont le candidat ne pouvait décidément pas ignorer la portée juridique fondamentale. La gravité est caractérisée car l’absence de compte dédié fait obstacle à tout contrôle effectif de la commission sur la régularité des opérations financières. Bien que la fraude ne soit pas explicitement mentionnée, la négligence commise suffit à justifier une mesure d’éloignement de la vie politique nationale.

B. L’application d’une interdiction temporaire de solliciter les suffrages

Le juge déclare le candidat inéligible à tout mandat pour une durée d’un an, cette période débutant à compter de la notification de la décision. Cette sanction vise à réprimer un manquement aux règles de probité et à prévenir la réitération de comportements négligents lors des futurs scrutins législatifs. La mesure garantit l’égalité entre les citoyens devant la loi électorale en imposant une rigueur identique à l’ensemble des acteurs de la compétition politique. Cette jurisprudence confirme la volonté du juge constitutionnel de faire respecter strictement le cadre financier qui conditionne la validité de toute élection démocratique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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