Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6391 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 5 juin 2025, s’est prononcé sur la situation d’un candidat aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024.

Dans une circonscription législative, le candidat a omis de faire ouvrir un compte bancaire par son mandataire financier pour retracer les opérations financières de sa campagne.

L’autorité de contrôle a rejeté le compte de campagne le 21 octobre 2024 puis a saisi la juridiction constitutionnelle afin de statuer sur une éventuelle inéligibilité.

Le juge électoral devait rechercher si cette omission constituait une violation substantielle des prescriptions du code électoral relatives au plafonnement et à la transparence des dépenses.

Le Conseil confirme le rejet du compte et déclare le candidat inéligible pour une durée d’un an en raison de la particulière gravité du manquement constaté.

**I. La caractérisation objective du manquement aux règles de financement**

**A. L’obligation impérative d’ouverture d’un compte bancaire unique**

Le code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières » selon l’article L. 52-6. Cette règle garantit la traçabilité intégrale des fonds utilisés par le candidat et permet un contrôle effectif de l’origine ainsi que de la destination des recettes. L’absence de compte bancaire spécifique empêche la vérification de la réalité des flux financiers et compromet directement la mission de surveillance de l’autorité administrative.

L’obligation de centralisation des dépenses et des recettes sur un support bancaire unique constitue une formalité substantielle dont le respect conditionne la validité du compte de campagne. En l’espèce, le mandataire financier n’a pas procédé à cette ouverture obligatoire, plaçant ainsi la situation financière du candidat hors du cadre légal impératif. Cette carence prive le juge électoral de toute certitude quant à l’absence de financements occultes ou de dépassements du plafond légal des dépenses autorisées.

**B. Le rejet nécessaire du compte de campagne irrégulier**

Le constat de l’absence de compte bancaire dédié conduit inexorablement au rejet du compte de campagne par l’autorité de contrôle en vertu des textes en vigueur. Le Conseil constitutionnel relève que « cette circonstance est établie » et valide par conséquent la décision de rejet initialement prise le 21 octobre 2024. Une telle solution jurisprudentielle assure une application rigoureuse de la loi électorale afin de maintenir une stricte égalité entre l’ensemble des compétiteurs politiques.

L’irrégularité constatée ici ne peut être régularisée a posteriori car l’ouverture du compte doit précéder ou accompagner les premières opérations de financement de la campagne électorale. La juridiction précise que c’est à bon droit que l’autorité administrative a écarté le compte, soulignant ainsi la primauté de la transparence financière sur les intérêts individuels. Cette première étape du raisonnement juridique ouvre la voie à l’examen de la sanction personnelle encourue par le candidat négligent ou fautif.

**II. L’appréciation de la gravité du manquement et la sanction d’inéligibilité**

**A. L’existence d’une méconnaissance substantielle des obligations légales**

L’article L.O. 136-1 dispose qu’en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement, le Conseil peut déclarer le candidat inéligible pour une durée déterminée. La juridiction électorale apprécie souverainement la gravité du défaut d’ouverture de compte au regard de la connaissance présumée des règles par tout candidat aux suffrages. Le juge estime qu’il s’agit d’une « règle dont le candidat ne pouvait ignorer la portée », ce qui caractérise la faute d’une particulière intensité.

L’absence totale de compte bancaire ne saurait être considérée comme une simple erreur matérielle ou une omission mineure susceptible d’être excusée par la bonne foi apparente. Ce manquement prive le système de contrôle de sa substance même en rendant opaque la gestion financière de la candidature au sein de la circonscription concernée. Le Conseil constitutionnel retient donc la particulière gravité pour justifier l’application d’une sanction restreignant le droit de se porter candidat à de futurs scrutins.

**B. La portée de la sanction d’inéligibilité prononcée**

La décision prononce une inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an, marquant la volonté du juge de sanctionner fermement les atteintes à la probité électorale. Cette mesure prend effet à compter de la présente décision et vise à écarter temporairement de la vie publique les candidats s’affranchissant des obligations comptables élémentaires. La sanction présente un caractère proportionné à la nature du manquement tout en assurant une fonction dissuasive indispensable au respect de la discipline financière démocratique.

Par cette solution, le Conseil constitutionnel réaffirme que la transparence des comptes de campagne est une condition sine qua non de la sincérité de chaque opération électorale. L’inéligibilité d’un an constitue une réponse adaptée au risque de fraude même si aucune volonté délibérée de dissimulation n’est expressément relevée dans les motifs cités. La rigueur de la juridiction garantit la crédibilité du contrôle exercé sur le financement de la vie politique française et renforce la confiance des citoyens.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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