Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 juin 2025, la décision n° 2024-6394 AN relative au contentieux du financement des élections législatives tenues en juin 2024. Un candidat ayant obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés n’a pas déposé son compte de campagne dans le délai légal imparti. Saisie par la Commission nationale des comptes de campagne, la juridiction devait déterminer si ce retard justifiait le prononcé d’une mesure d’inéligibilité immédiate. L’intéressé a produit ses documents comptables tardivement, soit après la saisine de la commission, sans toutefois démontrer l’existence de circonstances particulières excusant ce manquement. Le juge électoral a retenu une inéligibilité de trois ans, soulignant la gravité du non-respect des prescriptions impératives prévues par les dispositions du code électoral. La rigueur du calendrier de dépôt des comptes (I) commande l’appréciation souveraine de la gravité du manquement par le juge constitutionnel (II).
I. La rigueur impérative du calendrier de dépôt des comptes
A. Le cadre strict de l’obligation de transparence financière
L’article L. 52-12 dispose que chaque candidat soumis au plafonnement doit établir un compte retraçant « l’ensemble des recettes perçues et l’ensemble des dépenses engagées ». Cette obligation s’applique dès lors que le candidat obtient au moins un pour cent des suffrages ou bénéficie de dons de personnes physiques. Le législateur impose que ce document soit déposé avant dix-huit heures le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin électoral national. Cette règle garantit la sincérité du scrutin en permettant un contrôle effectif des ressources financières mobilisées par les différents prétendants à la députation. Le respect de ce formalisme temporel constitue une condition essentielle de la régularité des opérations de financement de la vie politique française actuelle.
B. La matérialité indiscutable de l’absence de dépôt dans les délais
Dans cette espèce, le candidat n’a pas transmis ses comptes à l’autorité de contrôle malgré l’atteinte du seuil de représentativité requis lors du scrutin. La juridiction note que « à l’expiration du délai prévu, il n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était légalement tenu ». Le défaut de dépôt est ici purement objectif car il résulte de la simple constatation de l’échéance du terme fixé par la loi. La production ultérieure des pièces comptables devant le juge ne saurait régulariser rétroactivement une omission commise durant la phase administrative de la procédure. Cette défaillance initiale place immédiatement le candidat dans une situation irrégulière ouvrant la voie à une saisine de la part de l’autorité administrative.
II. La sanction proportionnée d’un manquement d’une particulière gravité
A. L’appréciation de la gravité par le juge constitutionnel
Selon l’article L.O. 136-1, le Conseil peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté ses obligations en cas de « manquement d’une particulière gravité ». Cette notion permet au juge d’évaluer si la méconnaissance des règles de financement justifie l’exclusion de l’intéressé de la vie politique pour l’avenir. En l’espèce, le défaut total de dépôt dans les délais légaux est considéré comme une faute majeure portant atteinte à la transparence financière nécessaire. Le Conseil recherche si des éléments exceptionnels pourraient atténuer la responsabilité de l’intéressé afin de moduler la sanction prévue par les textes organiques. Le juge confirme sa jurisprudence constante en traitant le retard injustifié comme un manquement grave aux principes fondamentaux de la législation électorale.
B. L’inéligibilité comme réponse à l’absence de justifications probantes
L’instruction n’a révélé aucune « circonstance particulière de nature à justifier la méconnaissance des obligations » résultant des dispositions impératives du code électoral français en vigueur. Le candidat n’ayant pas apporté de preuves suffisantes pour expliquer son retard, la juridiction a décidé de prononcer une inéligibilité pour trois ans. Cette décision prend effet à compter de la date de son rendu et s’applique à tout mandat électif durant la période ainsi définie. La sanction vise à préserver l’égalité entre les candidats et à assurer la pleine efficacité du contrôle exercé sur les dépenses électorales engagées. Le juge constitutionnel réaffirme ainsi l’importance de la discipline budgétaire pour garantir l’intégrité et la probité de la représentation nationale future.