Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 19 juin 2025, se prononce sur les conséquences du défaut de dépôt d’un compte de campagne électorale. Un candidat aux élections législatives de juin et juillet 2024, ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés, n’a pas transmis ses documents comptables. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel le 31 octobre 2024 conformément aux dispositions du code électoral. Le candidat a produit un compte tardif le 22 novembre 2024, mais la juridiction doit apprécier la validité de cette régularisation après l’expiration des délais. La question de droit réside dans la détermination du caractère de particulière gravité attaché à l’omission totale de dépôt d’un compte de campagne dans les délais. Le Conseil constitutionnel déclare le candidat inéligible pour trois ans en raison de la méconnaissance caractérisée des obligations législatives relatives à la transparence financière. L’étude de cette décision impose d’envisager la caractérisation rigoureuse du manquement aux obligations comptables, avant d’analyser la portée de la sanction d’inéligibilité prononcée par les juges.
I. La caractérisation rigoureuse du manquement aux obligations comptables
A. L’exigence impérative du dépôt du compte dans le délai légal
Le code électoral impose à chaque candidat obtenant au moins 1 % des suffrages d’établir un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes et dépenses. Ce document doit être déposé à la Commission compétente avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, sous peine de sanctions juridiques précises. Le respect de ce calendrier constitue une garantie essentielle pour le contrôle effectif de la sincérité des dépenses engagées durant la période électorale visée. Dans cette espèce, le candidat était tenu à cette obligation légale mais n’a pas transmis les pièces justificatives dans le délai imparti par le législateur. La juridiction rappelle que le compte « doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit » au moment de sa transmission effective. Cette règle assure l’égalité entre les prétendants et permet une vérification rapide de l’origine des fonds utilisés pour financer la communication durant la campagne.
B. L’appréciation de la particulière gravité de l’omission
Le juge dispose du pouvoir de déclarer inéligible un candidat « en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles financières. L’omission totale de dépôt au terme du délai prescrit par l’article L. 52-12 du code électoral constitue par nature un manquement d’une importance majeure. Le Conseil constitutionnel relève que le candidat n’avait déposé aucun document à l’expiration de la période légale malgré l’obligation qui pesait directement sur sa personne. Cette absence de transparence prive l’autorité de contrôle de sa mission de vérification et porte une atteinte directe à la probité nécessaire au processus démocratique. Les juges considèrent que le non-respect des formalités déclaratives essentielles justifie une qualification de gravité suffisante pour déclencher l’application des dispositions de l’article L.O. 136-1.
II. La rigueur de la sanction au service de la transparence électorale
A. L’inefficacité des régularisations tardives sans justification
Le candidat a tenté de régulariser sa situation en produisant un compte de campagne le 22 novembre 2024, soit après la saisine du juge constitutionnel. Cette démarche tardive ne saurait effacer le manquement initial dès lors qu’aucune circonstance exceptionnelle ne vient expliquer ou excuser le retard constaté par la Commission. La décision précise qu’« il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » résultant du code. Le respect des délais est une condition substantielle de la légalité dont la violation ne peut être réparée par une action spontanée mais hors délai légal. Le juge refuse ainsi de faire preuve d’indulgence envers un comportement négligent qui compromettrait l’efficacité globale du contrôle exercé sur le financement de la vie politique.
B. La portée préventive et pédagogique de l’inéligibilité
Le Conseil constitutionnel prononce une peine d’inéligibilité pour une durée de trois ans à compter de la notification de sa décision souveraine pour sanctionner le manquement. Cette sanction vise à écarter de la compétition électorale les individus n’ayant pas respecté les règles comptables fondamentales destinées à garantir la moralité publique. La fermeté de la solution adoptée confirme une jurisprudence constante qui refuse de tolérer l’absence de dépôt des comptes de campagne par les candidats législatifs. Cette décision souligne l’importance des obligations financières comme piliers de la confiance des citoyens envers leurs représentants élus au sein de l’Assemblée nationale. Le prononcé de cette inéligibilité immédiate renforce la portée contraignante des normes électorales et incite les futurs candidats à une vigilance accrue concernant leur gestion comptable.