Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6394 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 31 octobre 2024 d’une situation relative aux élections législatives s’étant déroulées les 30 juin et 7 juillet 2024. Un candidat ayant obtenu au moins un pour cent des suffrages exprimés n’a pas déposé son compte de campagne dans les délais légaux prescrits. La commission nationale compétente a rendu une décision le 28 octobre 2024 saisissant le juge constitutionnel du cas de ce candidat ayant manqué à ses obligations financières. Le candidat a produit un compte le 22 novembre 2024, mais le manquement aux prescriptions de l’article L. 52-12 du code électoral restait cependant constitué. Le problème de droit réside dans la détermination de la gravité d’un tel retard et de la nécessité de prononcer une inéligibilité à l’encontre de l’intéressé. Le Conseil constitutionnel juge que l’absence de circonstances justificatives caractérise un manquement d’une particulière gravité justifiant une sanction de trois ans de durée. L’analyse portera sur la rigueur du cadre temporel des comptes de campagne avant d’aborder les conséquences de cette méconnaissance sur l’éligibilité du candidat.

I. La constatation objective de la méconnaissance des obligations comptables

A. Le caractère impératif du dépôt du compte de campagne

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat obtenant au moins un pour cent des suffrages exprimés d’établir un compte de campagne. Ce document doit retracer l’origine des recettes perçues et la nature des dépenses engagées pour l’élection, tout en demeurant impérativement en équilibre. Le dépôt doit intervenir au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin, avant dix-huit heures, auprès de la commission compétente. Cette règle garantit la transparence du financement électoral et l’égalité entre les différents candidats engagés dans la compétition politique sous peine de sanctions.

B. L’inefficacité d’un dépôt tardif hors délais légaux

Le candidat concerné n’a pas déposé ses documents comptables à l’expiration du délai imparti par les dispositions législatives, bien qu’il y soit légalement tenu. Il résulte des constatations que « à l’expiration du délai prévu à l’article L. 52-12 du code électoral, il n’a pas déposé de compte de campagne ». Le respect de cette exigence temporelle constitue une condition fondamentale de la régularité des opérations électorales et de leur contrôle efficace par l’administration publique. La méconnaissance de ce terme transforme l’irrégularité formelle en une faute susceptible d’être qualifiée de grave par le juge compétent pour l’élection.

II. L’appréciation de la gravité justifiant la sanction d’inéligibilité

A. L’exigence de circonstances particulières justificatives

La production d’un compte le 22 novembre 2024, soit après la saisine par la commission, ne suffit pas à régulariser la situation du candidat. Le juge souligne qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » de ces obligations. L’absence de difficultés insurmontables ou d’événements imprévisibles rend le manquement inexcusable au regard de la rigueur attendue de tout prétendant à un mandat. Ainsi le Conseil constitutionnel refuse d’accorder une clémence injustifiée en l’absence d’éléments concrets prouvant la bonne foi ou l’empêchement réel de l’intéressé.

B. La mise en œuvre d’une inéligibilité proportionnée de trois ans

En application de l’article L.O. 136-1 du code électoral, le juge peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté les règles de financement. Compte tenu de la « particulière gravité de ce manquement », le Conseil prononce l’inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée fixe de trois ans. Cette décision prend effet à compter de la date du délibéré et assure une sanction dissuasive contre le non-respect volontaire des délais légaux. La sévérité de la mesure souligne l’importance que le droit électoral attache au contrôle financier des campagnes pour préserver la sincérité du scrutin.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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