Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2024-6394 AN du 19 juin 2025, statue sur le respect des obligations de financement des campagnes électorales législatives. La question juridique porte sur la sanction du défaut de dépôt du compte de campagne par un candidat ayant obtenu un score supérieur au seuil légal. Un candidat aux élections législatives de juin 2024 n’a pas déposé son compte de campagne dans le délai de dix semaines imparti par le code électoral. Saisi par la Commission nationale des comptes de campagne le 31 octobre 2024, le juge a examiné les observations produites ultérieurement par l’intéressé défaillant. Le Conseil doit déterminer si l’absence de dépôt initial constitue un manquement d’une particulière gravité malgré la production d’un compte postérieurement à la décision administrative. Les juges déclarent le candidat inéligible pour trois ans, considérant que le dépôt tardif ne saurait justifier la méconnaissance des obligations comptables sans circonstances particulières établies. L’objectivation du manquement aux obligations comptables précède l’étude de la rigueur de la sanction d’inéligibilité prononcée par la haute juridiction dans cette espèce contentieuse.
I. L’objectivation d’un manquement caractérisé aux obligations comptables
A. L’exigence impérative du dépôt du compte de campagne L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages d’établir et de déposer un compte de campagne. Ce compte doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». Le respect du délai fixé au dixième vendredi suivant le scrutin garantit la transparence du financement et permet le contrôle effectif par la Commission nationale. En l’espèce, le candidat n’a pas satisfait à cette obligation légale avant l’expiration du terme imparti par les dispositions législatives spécifiques en vigueur.
B. L’inefficacité du dépôt tardif dépourvu de justification particulière Le dépôt d’un compte le 22 novembre 2024, soit après la saisine du juge par la Commission, ne permet pas de régulariser la situation du défaillant. Le Conseil constitutionnel relève qu’ « il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations ». Cette absence de justification objective empêche toute indulgence de la part du juge électoral, lequel veille scrupuleusement au respect de l’égalité entre les candidats. L’obligation de dépôt constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance ne saurait être couverte par une production tardive sans motif impérieux et insurmontable.
La caractérisation du manquement substantiel aux règles de financement permet d’éclairer la sévérité de la sanction d’inéligibilité retenue par les juges du Conseil constitutionnel.
II. La rigueur de la sanction d’inéligibilité prononcée par le juge
A. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité Selon l’article L.O. 136-1 du code électoral, l’inéligibilité est prononcée en cas de volonté de fraude ou de « manquement d’une particulière gravité » aux règles financières. Le Conseil souligne que le défaut total de dépôt dans les délais légaux porte atteinte au mécanisme nécessaire de contrôle de la probité de la vie publique. La jurisprudence constitutionnelle considère traditionnellement que l’absence de reddition des comptes sans excuse valable présente un caractère de gravité suffisant pour fonder une sanction. Les juges apprécient souverainement la matérialité de l’omission pour restreindre l’exercice du droit d’éligibilité du candidat lors des prochains scrutins électoraux nationaux.
B. L’application d’une mesure d’inéligibilité pour une durée triennale Le juge prononce une inéligibilité de trois ans à compter de la décision, marquant ainsi une volonté de sanctionner fermement l’opacité du financement de la campagne. Cette durée témoigne de la sévérité attachée à la protection de l’ordre public électoral malgré la production tardive d’un compte de campagne après la saisine. La décision sera notifiée et publiée au Journal officiel de la République française conformément aux règles de procédure applicables devant le Conseil constitutionnel en matière contentieuse. Cette solution confirme la rigueur constante de la haute juridiction face au non-respect des règles de transparence financière par les acteurs de la vie électorale.