Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6410 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 20 juin 2025, a été appelé à se prononcer sur le contentieux électoral relatif aux comptes de campagne. À la suite des élections législatives s’étant déroulées les 30 juin et 7 juillet 2024 dans la sixième circonscription de la Moselle, la situation d’un candidat a été signalée. Ce dernier, ayant obtenu au moins un pour cent des suffrages exprimés, était légalement tenu de déposer son compte de campagne auprès de l’autorité compétente. La commission nationale a constaté l’absence de ce dépôt dans les délais prescrits par le code électoral pour la période de référence. Saisie le 27 novembre 2024, cette instance a sollicité du juge constitutionnel l’application des sanctions prévues par la loi organique pour de tels manquements.

Le candidat a produit devant la haute juridiction un relevé bancaire démontrant l’absence de toute opération financière durant la période de la campagne électorale. La question posée au Conseil constitutionnel consistait à savoir si le défaut de dépôt du compte de campagne justifie systématiquement une déclaration d’inéligibilité du candidat. Les juges ont considéré que l’absence de mouvements financiers sur le compte de dépôt permettait d’écarter la sanction d’inéligibilité malgré la violation formelle de la loi. Cette solution conduit à analyser d’abord la caractérisation du manquement aux obligations électorales, avant d’étudier l’exercice du pouvoir de modulation de la sanction par le juge.

I. La caractérisation du manquement aux obligations de transparence électorale

A. Le cadre impératif du dépôt des comptes de campagne

Le législateur impose des règles strictes afin de garantir l’équité entre les compétiteurs et la clarté du financement de la vie politique française contemporaine. Selon l’article L. 52-12 du code électoral, tout candidat doit établir un compte retraçant « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ». Cette obligation s’applique dès lors que le seuil de un pour cent des suffrages exprimés est atteint ou que des dons ont été perçus. Le respect des délais est essentiel puisque le dépôt doit intervenir « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour ». La transparence financière constitue ainsi un pilier du droit électoral dont le contrôle est confié à une commission nationale spécialisée et indépendante.

B. La matérialité de l’omission déclarative du candidat

Dans l’espèce commentée, le candidat n’a pas contesté son assujettissement aux dispositions du code électoral relatives au plafonnement et à la déclaration des dépenses. Le Conseil constitutionnel relève qu’à « l’expiration du délai prévu à l’article L. 52-12 du code électoral, il n’a pas déposé de compte de campagne ». Cette omission constitue une infraction caractérisée aux prescriptions légales dont le juge doit nécessairement tirer les conséquences juridiques au regard de la procédure. La loi organique prévoit que le juge peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté ses obligations comptables dans les délais et formes imposés. L’absence de dépôt est un manquement objectif qui déclenche la compétence du Conseil constitutionnel pour apprécier la suite à donner à cette carence.

II. L’exercice du pouvoir de modulation de la sanction d’inéligibilité

A. L’absence d’activité financière comme élément atténuant

Le juge constitutionnel ne se borne pas à un constat formel de la violation de la règle mais examine les circonstances particulières de chaque dossier. Le candidat a démontré par la production de pièces bancaires que son compte n’avait « connu aucun mouvement en dehors des dépenses de la campagne officielle ». Les seules opérations enregistrées concernaient les frais inhérents à l’ouverture et à la gestion administrative du compte par le mandataire financier désigné préalablement. Cette absence totale de dépenses électorales effectives réduit considérablement la portée du manquement commis par l’intéressé dans le cadre de sa candidature nationale. La preuve de l’inexistence de flux financiers occultes permet de dissiper toute suspicion de fraude ou de dépassement du plafond des dépenses électorales.

B. Le refus de sanctionner un manquement dénué de gravité

L’article L.O. 136-1 du code électoral dispose que l’inéligibilité est prononcée en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles. Le Conseil constitutionnel utilise son pouvoir d’appréciation pour juger que le manquement commis « ne justifie pas » que le candidat soit déclaré inéligible pour trois ans. Cette décision souligne que le défaut de dépôt, bien qu’illégal, ne revêt pas un caractère de gravité suffisante lorsque l’absence de fonds est avérée. La juridiction refuse ainsi une application automatique et aveugle de la sanction la plus sévère afin de respecter le principe de proportionnalité des peines. Le juge électoral confirme ici sa jurisprudence constante privilégiant la substance des opérations financières sur le respect purement formel des procédures déclaratives obligatoires.

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Hassan KOHEN
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