Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6410 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 juin 2025, la décision n° 2024-6410 AN relative au contentieux du financement des campagnes pour les élections législatives de 2024. Un candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés n’avait pas déposé son compte de campagne dans les délais prescrits par le code électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge électoral afin de statuer sur une éventuelle inéligibilité du candidat. La question posée consistait à déterminer si l’absence totale de mouvements financiers sur le compte de dépôt permettait d’écarter la sanction d’une inéligibilité facultative. Le Conseil analyse d’abord la matérialité du manquement aux obligations de transparence avant de moduler la sanction au regard de l’absence constatée de fraude.

**I. La constatation d’un manquement aux obligations de transparence financière**

**A. Le caractère impératif du dépôt du compte de campagne**

Selon l’article L. 52-12 du code électoral, chaque candidat soumis au plafonnement des dépenses doit établir un compte retraçant l’ensemble de ses recettes et dépenses. Cette obligation s’impose dès lors que le seuil de 1 % des suffrages est atteint ou que des dons de personnes physiques ont été perçus. Le respect des délais de dépôt constitue une garantie essentielle pour le contrôle de la régularité des opérations de financement de la vie politique française. La loi prévoit que ce dépôt doit intervenir avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin sous peine de saisine du juge.

**B. L’existence avérée d’une carence administrative du candidat**

Dans cette espèce, le candidat avait effectivement obtenu le score minimal requis, ce qui le soumettait obligatoirement aux exigences de publicité de ses comptes financiers. Le Conseil constitutionnel relève qu’à l’expiration du délai légal, l’intéressé « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu » par la loi. Cette méconnaissance factuelle des dispositions législatives caractérise une faute objective, indépendamment de toute considération liée à la bonne foi initiale du candidat concerné. L’autorité de contrôle était donc fondée à saisir la juridiction compétente pour faire constater cette irrégularité manifeste au regard des textes électoraux en vigueur.

**II. La modulation de la sanction au regard de l’absence de fraude**

**A. L’exigence législative d’un manquement d’une particulière gravité**

L’article L.O. 136-1 permet au juge constitutionnel de prononcer l’inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles précitées. Le juge dispose ainsi d’un pouvoir d’appréciation souverain pour mesurer l’importance de la méconnaissance des règles avant de prononcer une sanction lourde de conséquences. L’inéligibilité ne revêt pas un caractère automatique mais dépend de l’analyse concrète des circonstances propres à chaque dossier soumis à la sagacité du juge électoral. Cette souplesse textuelle permet d’adapter la réponse juridictionnelle à la réalité des faits et d’éviter des sanctions disproportionnées pour des erreurs purement formelles.

**B. L’absence de flux financiers comme motif de clémence juridictionnelle**

Le candidat a produit des relevés bancaires démontrant que le compte ouvert par son mandataire financier n’avait enregistré aucune opération réelle durant la période électorale. Les seules écritures concernaient les frais bancaires de gestion et les dépenses liées à la campagne officielle, lesquelles ne sont jamais comptabilisées dans le plafonnement. Le Conseil constitutionnel juge donc que « le manquement commis ne justifie pas » une déclaration d’inéligibilité car l’absence de fonds dissimulés exclut toute intention frauduleuse grave. Cette décision confirme une jurisprudence constante qui privilégie la réalité des flux financiers sur le seul respect des délais lorsque la transparence est assurée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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